Criar uma Loja Virtual Grtis
Patton voir ce film regarder en ligne avec sous-titres anglais

GEORGE SMITH PATTON. Junior

Pour les Franзais qui avaient vingt ans en 1945, le nom de Patton йvoque les heures brillantes de la libйration du pays. de la Normandie а la Lorraine, le long d'un itinйraire qu'on appellera un jour la Voie de la Libertй. Pour les jeunes gens des annйes 1960, le mot " Patton " rappelle un char de combat а la silhouette caractйristique avec la nuque de sa tourelle et son long canon, d'une conduite confortable assortie d'une йtonnante consommation en carburant. Plus tard, en 1970, " Patton " йvoque ce film magistral dans lequel Facteur amйricain George C. Scott, qui en obtiendra l'Oscar du meilleur acteur, s'identifie а son personnage avec une telle vйritй que dйsormais son visage a presque remplacй celui du vrai gйnйral dans la mйmoire populaire. Pourtant, ce gйnйral George Smith Patton Jr. mйrite que sa vйritable destinйe ne soit pas oubliйe aujourd'hui, en particulier des Franзais, qui ont au moins conservй son souvenir en baptisant de son nom de nombreuses avenues, rues ou ponts, dans les villes ou les villages que sa glorieuse 3 e Armйe a libйrйs.

Tout a pu кtre dit du gйnйral Patton, en bien comme en mal. Individu particuliиrement douй, c'йtait un athlиte accompli, plus spйcialement dans les sports martiaux tels que le tir, l'йquitation et l'escrime. C'йtait un йrudit - surtout fйru d'Histoire militaire -, un musicien et un poиte. Il s'intйressait aux langues йtrangиres. c'йtait un des rares gйnйraux amйricains capable de suivre une conversation en franзais. Il pouvait кtre brutal, voire ganache, ce qui lui porta un lourd prйjudice au meilleur moment de sa carriиre, mais il savait se montrer affectueux et prйvenant (il suffit de lire les lettres envoyйes а partir de juillet 1942 а sa femme Beatrice). Il ne manquait pas d'humour et savait raconter de savoureuses histoires ; il avait des dons d'orateur et savait les utiliser dans le style direct qui plaоt aux foules.

Йlevй dans le souvenir d'un grand-pиre, George Patton I, brigadier-gйnйral confйdйrй, tuй au cours de la derniиre annйe de la Guerre de Sйcession, йduquй au grand air des ranchs de Californie et des plantations de Virginie, Patton se tourne tout naturellement vers le mйtier des armes qui lui offrira la renommйe qu'il recherchait. Personnage complexe, aussi souvent haп qu'adulй, de ses subordonnйs comme de ses pairs, ait un vйritable homme de guerre. Bon organisateur, excellent tacticien, trиs а l'aise dans le commandement, il rйvйlera ses talents dans la conduite directe de la bataille. Il y gagnera alors toute une sйrie de surnoms, que Flash Gordon, le Martien, Georges le magnifique et bien d'autres, mais surtout celui qui lui est dйfinitivement restй. Old Blood and Guts littйralement Sang et Tripes, l'expression franзaise la plus proche pouvant кtre Coups et Blessures). Les вges qui suivent n'ont d'autre ambition que d'йclairer la vie du gйnйral Patton et d'expliquer comment cette figure de l'Histoire a mйritй une telle notoriйtй.

Jeunesse et formation

George S. Patton, Jr. naоt le 11 novembre 1885, un mercredi, dans le ranch de San Pascual, а proximitй de Los Angeles en Californie, oщ son pиre, George S.
Patton, est District Attorney, sorte de Procureur de la Rйpublique. La famille Patton est d'origine йcossaise ; arrivйe en Amйrique au milieu du XVIII e siиcle, elle est notamment alliйe а la famille Washington. Aprиs la Guerre de
Sйcession, Madame Patton quitte la Virginie avec ses quatre enfants pour s'installer en Californie. Ils y retrouvent les WiLson, riche famille terrienne dont le fondateur, Benjamin Davis Wilson, est arrivй lа tout enfant en 1837. Alors que la Californie est encore province mexicaine, Ben Wilson rйussit quelques belles opйrations immobiliиres, tout en parcourant la piste
de l'Orйgon et en luttant contre les Indiens. Don Benito sera mкme alcalde (maire) de Los Angeles et participera а la crйation de la ville de Pasadena sans compromettre ses richesses fonciиres. Le mont Wilson, oщ se trouve le fameux observatoire, tire son nom de cette forte personnalitй qui a aussi introduit l'orange et les vignobles en Californie du Sud C'est ainsi que le fils du hйros tuй а Winchester йpouse la fille de Don Benito, qui lui apporte, avec de nombreuses propriйtйs, une sйcuritй financiиre dйfinitive.

George S. Patton se partage alors entre la gestion de ses biens et l'application de la Loi, tout en veillant lui-mкme а l'йducation de son fils, а travers des commentaires de la Bible et de l'Iliade (dont les hйros marqueront longtemps le jeune George). Celui-ci passe ainsi sa jeunesse entre le ranch de Pasadena et Los Angeles, oщ il va enfin а l'йcole, а douze ans, pour y apprendre а lire et а йcrire. Il conservera de cette formation tardive de grandes lacunes en mathйmatiques et en orthographe. Mais simultanйment il devient un excellent cavalier (il recevra de son parrain la premiиre selle anglaise jamais vue encore sur la cфte Ouest) et dйcouvre la poйsie, rйvйlant dans ces premiиres activitйs d'adolescent, chevauchйes et poиmes, sa double et complexe personnalitй.

Bercй par le souvenir du grand-pиre tuй pour la Confйdйration, familier d'Achille et d'Hector, George Patton rкve d'hйroпsme, de gloire, de grandeur. Il veut кtre le premier en tout et attirer le regard de ses contemporains. Il se tourne donc vers le mйtier des armes, rejoignant le Virginia Military Institute, а Lexington, oщ son pиre lui-mкme avait йtй йlиve. Il y passe une annйe pour prйparer et rйussir, avec difficultй, l'examen d'entrйe а West-Point. Il est reзu а l'Acadйmie Militaire (USMA) en 1904. Voulant кtre le premier partout, il ne le sera en rien. brillant athlиte, il ne fera jamais partie des йquipes premiиres ; intelligent et cultivй, ses rйsultats mйdiocres lui vaudront de redoubler sa premiиre annйe ; il voulait devenir le premier gйnйral de sa promotion mais ce ne sera pas le cas non plus. Une chose est sыre. il n'est pas aimй de ses condisciples qui lui reprochent son arrivisme et son zиle obsйquieux (Patton ne sera puni qu'une seule fois au cours des cinq annйes passйes а l'Acadйmie). En1909, il sort de West-Point, 46 e sur 103. il a pu choisir la cavalerie.

L'annйe suivante, il йpouse Beatrice Ayer, qu'il a rencontrйe en Californie mais qui appartient а une riche famille du Massachussetts. Arrivйe en Amйrique presqu'en mкme temps que les Pilgrins Fathers (1660), la famille Ayer avait dйveloppй sa fortune dans le commerce de la laine. L'alliance des deux familles confirme l'aisance matйrielle de Patton, qui n'aura jamais а se soucier de sa solde. Beatrice est une jeune femme raffinйe, йduquйe en franзais, langue qu'elle maоtrise parfaitement. au cours d'une affectation а Hawaп, elle йcrira un ouvrage dans notre langue, Lйgendes Hawaпennes, qui sera publiй tel quel а Paris. Bйatrice йtait йgalement trиs sportive, remarquable en yachting. Les Patton eurent trois enfants. Beatrice II en 1911, Ruth Ellen en 1915, et George Smith en 1923. Les filles йpouseront des officiers et George S. Patton III entrera а son tour а West-Point.

Mari comblй, brillant cavalier, frйquentant la haute sociйtй de la Nouvelle-Angleterre, Patton est prкt а attirer l'attention sur lui. Envoyй d'abord а Fort Sheridan (Michigan), il rejoint dиs 1911 Fort Myer, prиs de Washington. C'est l'affectation idйale pour unjeune officier ambitieux. Rencontrant officiers gйnйraux et hommes politiques, il participe а des courses de chevaux, а des concours hippiques, а des rencontres de polo. Le lieutenant Patton attire ainsi par son exubйrance et son enthousiasme, l'attention et l'amitiй du Chef d'Etat-Major de l'Annйe, le gйnйral Leonard Wood, et du secrйtaire d'Etat а la Guerre, de 1911 а 1913, Henry Stimson. Bien que rйpublicain, Stimson retrouvera ce poste avec Roosevelt, trente ans plus tard, de 1940 а 1945, ce qui ne nuira point а la carriиre du gйnйral Patton. Mais il faut de grands exploits а ce jeune officier. les Jeux Olympiques de 1912 а Stockholm vont lui en fournir l'occasion.

Les jeux olympiques et la dйcouverte de l'Europe

En 1912, les Jeux Olympiques sont organisйs par la ville de Stockholm et, parmi les compйtitions prйvues, apparaоt pour la premiиre fois le Pentathlon moderne, йpreuve quasiment rйservйe а des йquipes militaires car elle regroupe le tir au pistolet, la natation, la course а pied, l'йquitation et l'escrime. Grвce а ses capacitйs athlйtiques, Patton est choisi avec cinq autres officiers pour reprйsenter les Etats-Unis dans cette compйtition. Avec le reste de l'йquipe amйricaine, il part pour la Suиde а bord du Finland, accompagnй de ses parents, de sa soeur Anne et de sa femme Bйatrice. Le sйjour а Stockholm est un succиs. Patton, avec sa silhouette athlйtique - il mesure plus de 1,80 m - devient populaire, autant parmi ses compatriotes que chez les Suйdois. Il n'obtient pas de mйdaille au Pentathlon car il est devancй sur le podium par trois Suйdois, mais il termine quatriиme des quarante-trois concurrents initiaux, seul Amйricain а avoir franchi les йpreuves prйliminaires. Malchanceux au tir, il finit premier en escrime et reзoit l'ovation de vingt-cinq mille spectateurs а la finale du 4000 mиtres.

Aprиs le sйjour en Suиde, George et Beatrice entreprennent un voyage en Europe, plus particuliиrement pour venir а l'Йcole de Cavalerie de Saumur. Patton compte certes y pratiquer l'йquitation mais il veut surtout se perfectionner en escrime auprиs du Maоtre d'Armes Clйry. Il regagne alors Fort Myer oщ il applique son savoir rйcent, faisant adopter un nouveau modиle de sabre pour la cavalerie. C'est un succиs flatteur pour un jeune sous-lieutenant. Il revient en France avec Beatrice dиs l'annйe suivante, en 1913, rejoignant Saumur une seconde fois, amйliorant ses talents d'escrimeur pour obtenir le brevet de Maоtre d'Armes. Il pratique la langue franзaise et entreprend, avec l'aide de Beatrice, la traduction anglaise des manuels d'escrime franзais. Tous deux profitent de ce second sйjour en France pour visiter la Bretagne et la Normandie, en particulier la rйgion de Saint-Lф. Comment auraient-ils pu prйvoir que trente ans plus tard, devenu commandant d'armйe, Patton retrouverait pour sa plus grande gloire ces paysages familiers.

А l'issue de ce second voyage en Europe, Patton est affectй а l'Ecole de Cavalerie de Fort Riley (Kansas), en tant qu'instructeur d'escrime, recevant le titre nouvellement crйй de Master of the Sword (Maоtre d'Armes). Puis c'est une affectation au Texas, а Fort Bliss, prиs d'El Paso, sous les ordres du brigadier-gйnйral John J. Pershing, commandant la 8 e Brigade d'infanterie.

Depuis deux ans, la Grande Guerre a йclatй en Europe ; elle va devenir mondiale mais les Etats-Unis sont encore en dehors du conflit. C'est sur leur frontiиre mйridionale que leur attention est retenue. Le Mexique est en pleine anarchie ; le pouvoir fйdйral est convoitй par des gouvernements rivaux, tandis que des bandes armйes parcourent le pays, proposant leurs services au mieux offrant. Le gouvernement amйricain a renforcй la surveillance de la frontiиre pour prйvenir les incursions de pillards. Le 9 mars 1916, le fameux Pancho Villa vient attaquer la petite ville de Columbus au Nouveau Mexique, y tuant quinze citoyens amйricains, dont sept hommes du 13 e de Cavalerie qui y tient garnison. Aussitфt, ordre est donnй а Pershing d'organiser une expйdition pour poursuivre, mкme jusqu'en territoire mexicain, et chвtier Pancho Villa.

Restйe dans l'Histoire sous le nom d'Expйdition Punitive, cette opйration engage trois rйgiments d'infanterie, trois rйgiments de cavalerie, deux batteries de campagne et, le fait est а souligner, une escadrille d'aviation, l'ensemble йtant placй sous les ordres de Pershing qui prend avec lui comme aide de camp le lieutenant Patton. Celui-ci est chargй de nombreuses tвches. la discipline et les activitйs du petit groupe de commandement, l'expйdition des messages, la surveillance des dйpкches des journalistes, la censure du courrier ainsi que toutes les missions de liaison et de contact. En mai, une occasion va s'offrir d'ajouter un peu de gloire а toute cette activitй. Avec une patrouille de deux automobiles Dodge et une poignйe d'hommes, Patton part а la recherche de fourrage pour les chevaux du quartier-gйnйral. S'approchant du ranch Rubio, au bord du lac Itascate, le dйtachement est accueilli par des coups de feu. Sautant а bas de leurs vйhicules, Patton et ses hommes entreprennent de rйduire cette rйsistance par un dйluge de mitraille. Les Mexicains sont abattus (ils йtaient trois); Patton rentre au quartier-gйnйral, rapportant les cadavres attachйs sur le capot des vйhicules. Patton conservera en souvenir les йperons de l'un des Mexicains. Cette aventure lui vaut une brиve cйlйbritй durant une semaine, mais peut-кtre йtait-ce lа justement la premiиre opйration motorisйe de l'armйe amйricaine. L'Expйdition Punitive fait long feu. Pancho Villa disparaоt dans les sierras mexicaines, tandis que le dispositif amйricain s'alourdit (plus de 175.000 hommes а la fin de 1916). Un accord de cessez-le-feu est signй en janvier 1917, Washington constatant l'impossibilitй de retrouver Villa au milieu d'un terrain difficile et d'une population largement hostile aux Gringos venus du Nord. En outre, la situation en Europe s'aggrave et le prйsident Wilson veut se dйbarrasser de l'йpine mexicaine.

L'expйdition mexicaine est une expйrience trиs positive pour Patton. Il a connu le vrai bruit des balles, il a montrй ses talents de chef et d'organisateur et surtout il a observй Pershing, ses mйthodes de commandement, son comportement vis-а-vis de ses subordonnйs, sa faзon de donner les ordres. Dans une lettre а sa femme, Patton reconnaоt " qu'il a beaucoup appris sur son mйtier ". Il revient du Mexique avec la barrette de lieutenant (il a йtй nommй en mai 1916) et en tant que commandant du quartier gйnйral de Pershing. Les Etats-Unis vont entrer dans la guerre aux cфtйs des Alliйs Pershing est dйsignй pour prendre le commandement de l'American Expeditionnary Force (A.E.F). Il emmиne donc Patton avec lui en Europe.

L'expйrience du front

En 1914, lors de l'ouverture des hostilitйs en Europe, Patton, encore tout frais de son second sйjour en France, avait songй а s'engager soit dans l'armйe franзaise, soit dans l'armйe canadienne, ainsi que le faisaient de nombreux jeunes Amйricains. Il s'en йtait ouvert au gйnйral Wood, qui quittait alors son poste de chef d'Йtat-Major de l'Annйe ; Wood lui avait trиs nettement dйconseillй de le faire car, pensait-il avec raison, tфt ou tard les Etats-Unis seraient officiellement impliquйs dans le conflit. En un sens ce conseil avait йtй profitable puisqu'il avait permis а Patton de faire son expйrience mexicaine et de se retrouver dans l'йquipe de Pershing lorsque celui-ci fut dйsignй pour commander la force expйditionnaire amйricaine en Europe.

C'est ainsi que, partis de New York le 28 mai 1917, Pershing et son йtat-major arrivent en Ecosse le 8 juin, traversent la Grande-Bretagne avec un court arrкt а Londres, dйbarquent а Boulogne le 13 juin et arrivent а la gare du Nord le mкme jour, accueillis par les ovations des parisiens. Le lendemain, Patton escorte Pershing aux Invalides oщ celui-ci s'incline devant le tombeau de l'Empereur ; а partir du 16 juin, il installe le quartier-gйnйral de l'A.E.F. nie de Constantine, puis au 73 de la rue de Varenne, dans le VII e arrondissement. Patton, lui, s'installe au 40 de la rue d'Artois. C'est ensuite le premier dйfilй amйricain dans les rue de Paris а l'occasion de l'Independance Day (4 juillet), puis les visites aux quartiers-gйnйraux franзais а Compiиgne et anglais а Montreuil-sur-mer, oщ le gйnйral Douglas Haig remarque dans ses carnets " ce capitaine qui semble vouloir manger du feu ". Pershing fixe son quartier gйnйral opйrationnel а Chaumont en Haute-Marne le let septembre 1917.

Quand Patton eut achevй l'installation et la mise en marche du Q.G. amйricain, il demanda а Pershing la permission de servir dans une unitй combattante. Pershing lui donna le choix entre un bataillon d'infanterie ou le nouveau Tank Corps, qui n'existait pas et oщ tout йtait а faire. Sans hйsiter, il choisit le Tank Corps, commenзant par un stage de formation au camp de rassemblement des unitйs franзaises а Champlieu, au Sud de la forкt de Compiиgne. Le 18 novembre, il quitte Chaumont pour ce stage de quinze jours au cours duquel il apprend а conduire, tirer, entretenir et connaоtre les mйcanismes compliquйs du nouvel engin de combat. Il s'entretient en franзais avec le gйnйral Estienne, le pиre des chars, et reprend la traduction des manuels et des bulletins franзais. De Champlieu il se rend а Albert (Somme) oщ les Britanniques ont installй le P.C. de leurs formations de chars. Ceux-ci ont йtй engagйs le 20 novembre et Patton recueille auprиs des officiers anglais, en particulier du colonel J.F.C. Fuller (futur thйoricien des blindйs avec le capitaine Liddell Hart) le rйcit instructif de leurs succиs et de leurs dйboires (l'offensive de Cambrai dйbute par une remarquable percйe du Royal Tank Corps, mais йchoue par manque d'unitйs de rйserve et de coordination avec l'aviation britannique). Aprиs Champlieu. Patton revient а Paris pour visiter les usines Renault oщ, pendant une semaine, dans les ateliers de Boulogne, il se familiarise avec la fabrication du FT 17, dont le gouvernement franзais songe а passer commande а l'industrie amйricaine pour complйter les fabrications prйvues en France en 1918.

De retour а Chaumont, Patton rйdige un rapport trиs apprйciй sur l'ensemble de sa mission et se voit aussitфt chargй de crйer l'Йcole des chars lйgers amйricaine а Langres, tout en prenant le commandement du Centre d'entraоnement des Tanks n° 302, qu'il installe а quelques kilomиtres plus au Sud, а Bourg. Les premiers volontaires arrivent au dйbut de janvier 1918 ; l'instruction commence et le capitaine Patton (nouvellement promu) reзoit son premier char le 23 mars. D'autres suivent bientфt et en avril il peut organiser devant des reprйsentants de l'йtat-major amйricain un premier exercice combinй chars-infanterie. Puis fin avril, sur sa demande, il se rend avec cinq de ses lieutenants dans le secteur de Montdidier (dans l'Aisne), oщ les Franзais du gйnйral Debeney ont prйparй une contre-attaque avec des chars. Il passe ainsi une semaine а visiter les unitйs, а connaоtre la ligne de feu, а subir des tirs d'artillerie ennemie et а interroger aussi bien les йquipages franзais que les Sammies de la le Division U.S. qui vient de faire ses premiиres armes а Cantigny. Tout se serait bien passй s'il n'avait failli avoir la gorge tranchйe au cours d'un accident de voiture. Le major G.S. Patton - les promotions sont rapides en temps de guerre, quoiqu'elles ne soient jamais dйfinitives dans l'armйe amйricaine - suit les cours du General Staff College, que Pershing a installй а Langres, tout en poursuivant l'instruction de ses unitйs de chars qui forment la 304e Tank Brigade, а deux bataillons blindйs, sur chars Renault.

Enfin le 20 aoыt la 304 e Tank Brigade reзoit l'ordre de rejoindre le front devant la poche de Saint-Mihiel, que la 1 re Armйe amйricaine, commandйe par Pershing, est chargйe de rйduire. Un groupement de chars, composй d'unitйs amйricaines et d'unitйs franзaises (14 e et 17 e groupes de chars), doit кtre engagй en appui des 1 re D.I. US. et 42 e D.I. US. (dans laquelle le jeune gйnйral Mac Arthur commande une brigade). L'axe d'attaque prend la Woлvre dans sa longueur. Flirey, Essey, Beney. L'offensive dйbute le 12 septembre ; le 15 au soir, les Allemands (Dйtachement d'Armйe Fuchs) ont йtй rejetйs sur une ligne Fresnes-en-Woлvre-Champey. Saint-Mihiel est libйrй. Durant ces trois jours de combat, Patton a montrй tous ses talents d'expert en blindйs. Impatient de suivre ses bataillons, il quitte son P.C. et se retrouve auprиs des йlйments de tкte а diriger la progression de ses chars. La question du ravitaillement en carburant sera pour lui la leзon de cette premiиre grande attaque. Aprиs ce succиs, Patton, nommй lieutenant-colonel, reзoit l'ordre de conduire sa brigade au Nord-Ouest du secteur Meuse-Argonne, dans la zone de Clermont-sur Argonne.

Toujours avec les 16 divisions de sa 1 re Armйe, Pershing attaque le 26 septembre entre la Meuse et la Suippe. Mais la rйsistance allemande se durcit, menйe par de petites unitйs de vйtйrans qui font des massacres dans les rangs serrйs des Amйricains. Patton tombe victime des mitrailleuses allemandes le soir de l'attaque ; une balle lui a traversй la cuisse alors qu'il essayait de rallier ses йquipages et l'infanterie d'accompagnement. Son ordonnance le traоne dans un trou d'obus, d'oщ il donne ses derniers ordres avant d'кtre йvacuй. Hospitalisй а Dijon, il rejoint la ligne de front clandestinement, ne voulant pas manquer la grande offensive prйvue pour le Groupe d'Armйes amйricain, nouvellement crйй sous les ordres de Pershing. Malgrй cette incartade il est nommй colonel le 17 octobre et reзoit la Distinguished Service Cross (pour ses actions d'йclat) et la Distinguished Service Medal (pour avoir crйй et organisй l'Ecole des Chars), et bien entendu la dйcoration des blessйs, le Purple Heart. Il avait conduit ses hommes au feu avec distinction. avait acquis une expйrience unique, mais il s'йtait fait peu d'amis.

Quand il rejoint le Q.G. de Pershing, Patton apprend que l'armistice est signй ; la guerre est finie ; il a trente-trois ans. Il profite de sa convalescence pour revoir les champs de bataille oщ il s'est battu, puis rejoint sa brigade de chars. Il la conduit а Marseille а la fin de fйvrier 1919, oщ il embarque avec elle pour regagner les Йtats-Unis. Le premier livre de son expйrience militaire vient de s'achever.

De retour aux Etats-Unis en mars 1919, Patton subit la premiиre consйquence du temps de paix. le rйajustement des promotions de guerre. De colonel, il redevient capitaine pour кtre immйdiatement renommй major (1 er juin 1919). Viennent ensuite les grandes dйcisions politiques. un National Defense Act est votй par le Congrиs le 4 juin 1920, qui rйorganise l'annйe amйricaine en tenant compte de l'expйrience opйrationnelle et logistique des annйes 1917-1918.

Pour Patton, tout est dans le devenir du Tank Corps. Dиs 1919 celui-ci a йtй dispersй ; ensuite le National Defense Act dйcide que le Tank Corps sera rattachй а l'infanterie et non pas а la cavalerie. Le Congrиs sui' ainsi la tendance gйnйrale hйritйe des derniers combats de la Grande Guerre. le char accompagne le fantassin. Patton, qui connaоt son sujet, sait bien que le char est le complйment du cheval, en attendant de le remplacer. Aussi demande-t-il а retourner dans la cavalerie, tout en continuant а s'intйresser au tank, а son йvolution technique comme а sa doctrine d'emploi. Malgrй ce choix, il est nommй au Tank Board, comitй technique chargй de suivre l'йvolution des matйriels et de doctrines. Ayant ainsi conservй une qualification pou les " Blindйs ". Patton sera toujours considйrй comme apte а revenir dans cette spйcialitй. Le Chief Cavalry, йquivalent de l'Inspecteur de la cavalerie franзais, йcrira de lui. " En mкme temps que remarquable cavalier, il est aussi d'une remarquable compйtence dans le domaine de la mйcanisation, grвce а son expйrience en France avec le Tank Corps et а son intйrкt constant dans les йtudes sur ce sujet ". Patton sait bien que les tanks rattachйs а l'infanterie y gagneraient en puissance de feu, mais qu'appartenant а la cavalerie ils y gagneraient en mobilitй. Il imagine йgalement sans peine que les йtudes et le dйveloppement de nouveaux matйriels vont кtre un poids pour un budget militaire constamment anйmique et que ce n'est pas dans ce domaine qu'il pourra poursuivre sa recherche de cйlйbritй. Enfin, il sait que Pershing doit devenir chef d'Йtat-Major de l'Armйe, en remplacement du gйnйral March. Pershing est un cavalier, il est donc sage de retourner dans la cavalerie pour entretenir une vieille amitiй.

Ainsi, Patton retrouve-t-il les unitйs а cheval et redevient-il le gentleman-rider qu'il йtait avant la campagne de France. Il rejoint d'abord Fort-Riley (Kansas), puis suit les cours du Command and General Staff College а Fort-Leavenworth (Kansas), йquivalent de l'Ecole d'Etat-Major franзaise ; il est affectй а Boston, avant d'кtre envoyй а Hawaп. Il revient sur le continent pour suivre les cours de l'Army War College (Ecole de Guerre amйricaine) а Washington D.C. d'oщ il rejoint Fort-Myer, tout proche, au 5 e de Cavalerie. Il est encore major, mais il va connaоtre une cйlйbritй relative en participant sous les ordres directs de Mac-Arthur а la rйpression de la Marche du Bonus (21 juillet 1932). А la suite de la Grande Dйpression de 1929-1930, un certain nombre d'anciens combattants de l'American Expeditionnary Force rйclame au gouvernement fйdйral un " bonus " pour leurs services militaires de 1917-1919. Les manifestants et leurs familles marchent sur Washington et s'installent dans les parcs autour de la Maison Blanche. Roosevelt demande а l'armйe de faire dйgager les lieux. Mac-Arthur, qui est chef d'Йtat-Major depuis 1930, mиne en personne l'opйration avec six cents fantassins et cavaliers. Les deux officiers chefs de dйtachement sont respectivement le major D.D. Eisenhower et le major G.S. Patton. L'Histoire sait parfois faire des clins-d'њil. Aprиs cet йpisode, Patton repart pour Hawaп, puis retourne а Fort-Riley, puis а nouveau а Fort-Myer. Il a йtй promu lieutenant-colonel, puis colonel ; en 1939 il commande le 5e Rйgiment de cavalerie, toujours а Fort-Myer (Washington D.C.). Il a cinquante-quatre ans. Ses deux filles sont mariйes et le jeune George est au Virginia Military Institute, en attendant d'entrer а West-Point. Il semble que la carriиre de Patton doive s'achever tout banalement par une retraite en temps de paix.

La guerre a de nouveau йclatй en Europe, dans la suite logique du Traitй de Versailles. Patton a entretenu ses connaissances sur les tanks et leur emploi. Il a lu Fuller et Liddell Hart, Guderian et mкme les йcrits d'un officier franзais, le colonel Charles de Gaulle. Il a travaillй, grвce au Tank Board, avec l'ingйnieur J.W. Christie qui dйveloppe un nouveau type de suspension permettant aux blindйs une plus grande vitesse (c'est ce type de suspension que les Soviйtiques retiendront pour leur fameux T 34 et que les Allemands copieront pour leur PANTHER). Il s'est йgalement intйressй а l'infanterie en proposant pour les divisions une organisation ternaire (cette organisation sera celle des divisions mises sur pied par l'U.S. Army а partir de 1942), mais, toujours cavalier, il amйliore le dessin de son sabre 1912 et propose un nouveau paquetage de selle. Son intuition le pousse enfin а passer son brevet de pilote d'avion. A cфtй du polo et des concours hippiques, Patton est restй trиs au courant de l'йvolution de l'outil militaire et de son emploi. Il a suivi les conflits qui marquent la montйe des dictatures. invasion de la Mandchourie, guerre italo-йthiopienne, guerre d'Espagne, guerre sino-japonaise, au cours desquelles des tanks sont employйs, le plus souvent en appui de l'infanterie. Avec le coup de tonnerre de la campagne de Pologne (septembre 1939), oщ l'armйe allemande donne le meilleur rendement aux caractйristiques de mobilitй et de puissance de feu des blindйs, la Wehrmacht illustre parfaitement une remarque que Patton avait faite jadis. " Une armйe sans tanks est un homard sans pinces. "

La rйvйlation du rфle des blindйs dans une guerre moderne provoque une grande agitation dans les hautes sphиres militaires de Washington. Les Etats-Unis peuvent кtre а nouveau entraоnйs dans le conflit, bien que pour l'heure, dans le souvenir de la Premiиre Guerre mondiale, l'opinion amйricaine soit trиs isolationniste. Pour Patton, une sйrie d'йvйnements va favoriser un nouveau dйpart. En premier lieu, depuis septembre 1939, le nouveau chef d'Йtat-Major de l'Armйe est le gйnйral George Marshall. Marshall a servi pendant la campagne de France en tant que chef du Bureau des Opйrations de Pershing ; Patton et lui se connaissent bien, mкme s'ils ne sont pas particuliиrement proches (peut-кtre parce que l'un est fantassin et l'autre cavalier ?). Ensuite, dиs juin 1940, Marshall dйcide la crйation d'une Armored Force en vue d'expйrimenter l'organisation et les matйriels des nouvelles unitйs blindйes qui viennent d'кtre mises sur pied, et pour donner une caractйristique moderne а l'armйe amйricaine. Cette Armored Force est confiйe au gйnйral Adna Chaffee Jr. Au mкme moment, le prйsident Roosevelt appelle au Secrйtariat d'Etat а la Dйfense Henry Stimson, qui, on l'a vu, avait dйjа tenu le poste en 1912 et dont le jeune lieutenant Patton s'йtait fait remarquer. Le colonel Patton n'hйsite pas а envoyer а ces trois personnalitйs des lettres de fйlicitations flatteuses, hйbergeant mкme Marshall dans sa rйsidence de Fort-Myer en attendant que les appartements du Chef d'Йtat-Major soient remis а neuf. Au gйnйral Chaffee, Patton peut rappeler sa prestation d'arbitre dans les rйcentes manњuvres de Louisiane et, grвce aux notes que lui avaient donnйes jadis l'Inspecteur de la Cavalerie, il se voit placй sur la liste des colonels mйritant une promotion au rang de brigadier-gйnйral, aptes а commander une brigade blindйe. Aussi, en juillet 1940, alors qu'il est en permission dans sa propriйtй du Massachussetts, apprend-il par la presse qu'il est dйsignй pour rejoindre la 2 e Division Blindйe а Fort-Benning (Gйorgie). Le commandant de cette division, le gйnйral C. Scott, est un vieil ami ; il confie а Patton le commandement de la 2 e Brigade Blindйe. Celui-ci entreprend de former et d'entraоner ses hommes avec la vigueur et le rйalisme qui le caractйrisent, autant pour le combat que pour la connaissance technique de leur matйriel. En avril 1941 il est nommй major-gйnйral et prend le commandement de la 2 e Division Blindйe.

La prйparation а la guerre

Sans dйlai Patton se consacre а la prise en main et а l'entraоnement de sa division. Il obtient la premiиre par des allocutions inspirйes des harangues napolйoniennes, il dйveloppe le second grвce aux mouvements rapides sur route et en tout terrain, et aux йcoles а feu, d'abord en Gйorgie puis dans des grandes manњuvres, en particulier dans le Tennessee, а Camp Forrest, dиs juin 1941. C'est а cette occasion qu'il baptise ses unitйs blindйes l'Enfer sur roues. en effet, il rйussit а percer le dispositif du parti adverse et а s'emparer de son quartier gйnйral. La manoeuvre n'a durй que neuf heures, au lieu des plusieurs journйes prйvues. Il est notй comme " un chef extrкmement йnergique et capable ". Aprиs les manoeuvres du Tennessee, la 2 e D.B. fait mouvement en aoыt vers la Louisiane pour une nouvelle sйrie d'exercices combinйs. C'est alors que l'ami et le protecteur de Patton, le gйnйral A.

Chaffee meurt d'un cancer gйnйralisй. Il est remplacй par le gйnйral Jacob Devers, un artilleur sorti йgalement de West-Point en 1909, comme Patton. Celui-ci n'est pas retenu pour commander l'Armored Force ; il en conservera une certaine rancune contre Devers, qui commandera plus tard un Groupe d'Armйes sur le front occidental. Nйanmoins, les manoeuvres de Louisiane sont а nouveau un succиs militaire et (le mot n'existait pas alors) mйdiatique. La Presse suit les exploits et les performances de la 2e D.B. et de son chef. Le magasine " Life " consacre un numйro spйcial а la Dйfense, le 7 juillet 1941 ; la couverture est illustrйe d'une magnifique photo en couleurs de Patton, casquй, а bord de son char T 2, portant la plaque а deux йtoiles de major-gйnйral. C'est dans ce reportage sur la Second Armored Division que Patton qualifie celle-ci de " force la plus puissante encore jamais crййe par l'Homme ". Fin octobre, cet outil comparable а la Panzerdivision allemande est en Caroline pour de nouvelles manњuvres, oщ l'on expйrimente le jumelage des 1 re et 2 e D.B. en un groupement blindй. Durant tout le mois de novembre, йquipages et formations rivalisent d'enthousiasme et d'agressivitй, voire d'esprit d'innovation, pour atteindre le succиs. Les mйthodes de Patton ne sont pas toujours orthodoxes mais elles rйussissent. Le gйnйral Marshall vient assister а la fin des manњuvres de Caroline. Il est justement impressionnй par le style de commandement de Patton. Son audace est impressionnante, sa volontй de vaincre, йclatante. А qui d'autre confier le commandement des soldats amйricains lorsqu'ils devront кtre engagйs en de rйels combats.

Ces combats rйels sont proches. De retour а ses cantonnements de Fort-Benning, la 2 e D.B. apprend, en mкme temps que le reste des Йtats-Unis, la nouvelle dramatique de l'attaque japonaise contre Pearl-Harbor. Patton, en historien, aura pu apprйcier la surprise stratйgique obtenue par ce nouvel adversaire. En officier amйricain, il aura pu rйagir en dйfenseur de la patrie attaquйe. En parfait " supporter " de sa propre destinйe, il y aura vu un signe de Dieu pour retrouver la gloire et l'admiration de ses contemporains. En 1936, il avait soulignй que " la guerre est l'йpreuve suprкme pour l'Homme ". L'Histoire lui donne ainsi une seconde occasion de se mesurer а lui-mкme et а ses pairs, amis ou ennemis. Ainsi, pour Patton, le passage de la paix а la guerre n'est-il pas aussi brutal et traumatisant que pour ses compatriotes ; simplement le cadre gйnйral de ses responsabilitйs et la finalitй de l'entraоnement rigoureux qu'il impose а ses subordonnйs sont maintenant parfaitement clairs. il s'agit de se battre et de vaincre.

Dans la suite logique des manњuvres de l'annйe 1941, l'instruction des grandes unitйs est poussйe au niveau supйrieur. aprиs les manoeuvres de division se placent les manoeuvres de corps d'armйe. Patton, confirmй major-gйnйral, est dйsignй pour commander le 1 re Corps Blindй qui regroupe les 1 re et 2 e Divisions Blindйes. Il doit l'entraоner aux combats dans le dйsert. pour ce faire, il organise un centre d'entraоnement sur une immense zone du Sud-Ouest des Etats-Unis, mordant sur les Etats de Californie, du Nevada et de l'Arizona. Il place son P.C. а Indio, en Californie. Le site est bien choisi. importante variation de tempйrature journaliиre, quelques points d'eau, des dunes de sable et peu de vйgйtation. Installй au dйbut de mars 1942, le camp est utilisй avec intensitй sous l'autoritй de Patton pendant trois mois ; marches, contre-marches, nuits dans le dйsert, tir а toutes les armes, exercices avec munitions rйelles, tout est fait pour prйparer aux rudes conditions de la guerre en Libye.

En effet, l'entrйe en guerre des Etats-Unis laisse entrevoir l'ouverture d'un second front pour soulager l'armйe soviйtique, qui ne cesse de recevoir les coups de boutoir de la Wehrmacht. Les Amйricains voudraient dйbarquer en Europe et marcher directement vers le coeur de l'Allemagne. Les Anglais prйfиrent occuper l'Afrique du Nord pour menacer les arriиres de l'Afrika Korps et soulager la pression des Germano-italiens de Rommel sur la 8e Armйe britannique. Aprиs une pйriode d'hйsitations, engagй par ses promesses а Staline et а Molotov, Roosevelt impose а son йtat-major rйticent le dйbarquement en Afrique du Nord. L'opйration Gymnast anglaise devient l'opйration Torch anglo-amйricaine (25 juillet 1942) ; elle doit кtre entreprise le plus tфt possible pour aider les Russes. Roosevelt refusant de se sйparer de son chef d'йtat-major de l'annйe, le gйnйral Marshall. C'est l'adjoint de celui-ci, le gйnйral Eisenhower, qui est dйsignй pour commander l'ensemble des forces engagйes. Dиs le 31 juillet, les travaux de prйparation commencent а Londres, dirigйs par le gйnйral Gruenther. Le dйbarquement aura lieu sur trois grandes zones. deux en Mйditerranйe, autour des ports d'Alger et d'Oran, avec des troupes anglaises et amйricaines, et une zone en Atlantique, sur la cфte occidentale du Maroc, autour de Casablanca, uniquement avec des troupes amйricaines. Le major-gйnйral Patton est choisi par Marshall pour commander la Western Task Force. Il avait йtй pressenti dиs la fin de juin pour commander une division blindйe que Roosevelt voulait envoyer en Йgypte pour aider les Anglais а ralentir l'avance de Rommel sur El-Alamein. L'affaire n'avait pas eu de suites а cause des dйlais mais, fin juillet, а Indio, Patton reзoit l'ordre de rejoindre Washington. Il en repart pour Londres quelques jours plus tard, pour rejoindre Eisenhower et prйparer la participation de la Western Task Force а l'opйration Torch.

Conservant avec lui les officiers de l’йtat major du 1 er corps blindй, Patton planifie les opйrations de dйbarquement et l'engagement de ses grandes unitйs. La Western Task Force est composйe de trois divisions. les 3 e et 9 e d'Infanterie, la 2 e Blindйe, plus un certain nombre d'йlйments de corps d'armйe (tank-destroyers, transmissions, gйnie). Chacune des divisions est chargйe d'un secteur de dйbarquement mais leurs moyens se rйpartissent en trois groupements.

- au Sud, le groupement Harmon (2 e D.B.) a pour objectif Safi,

- au centre, le groupement Anderson (3 e D.I.) doit s'emparer de Fйdala et de Casablanca,

- au Nord, le groupement Truscott (9 e D.I.) vise Port-Lyautey et Rabat.

Aprиs s'кtre entraоnйes en Californie, pour la 3 e D.I. et en Caroline du Nord, pour la 9 e D.I. et la 2 e D.B. les troupes (37.000 hommes et 252 chars) se regroupent а Norfolk et а Hampton Road, dans la baie de la Chesapeake en Virginie. Elles embarquent sur trente-neuf transports et cargos, escortйs par trois cuirassйs, six croiseurs, cinq porte-avions et trente-cinq destroyers. Patton embarque sur le croiseur Augusta d'oщ l'amiral Henry Hewitt commandera les phases de mouvement, puis de conquкte des plages. Le 24 octobre, la Western Task Force prend la mer. A la diffйrence des deux autres Task Forces qui viennent de Grande-Bretagne, la Western Task Force doit traverser l'Atlantique et йviter de se faire repйrer par les sous-marins allemands. Prenant la route de l'Angleterre puis se rabattant vers le Sud comme pour aller а Dakar, Hewitt n'a йtй menacй que par deux jours de mauvais temps, entre le 28 octobre et le 7 novembre, lorsqu'il se prйsente au soir devant les cфtes marocaines. Quant а Patton, il a apprйciй les menus de la table du commandant.

Le dйbarquement a lieu а l'aube du 8 novembre sur les trois zones d'attaque repйrйes. Les troupes franзaises du Maroc, fermement tenues en mains par leurs officiers fidиles au marйchal Pйtain, se dйfendent avec opiniвtretй. Le gйnйral Bйthouart avait essayй sans succиs d'empкcher l'affrontement entre Alliйs et Franзais. Les dйbarquements а Casablanca et а Port-Lyautey sont trиs durs. L'artillerie cфtiиre, les sorties de la 2 e escadre lйgиre (amiral Gervais de Lafond) et l'artillerie principale du cuirassй Jean Bart retardent la mise а terre, puis la progression des groupements Nord et Centre. Patton ne peut dйbarquer que le lendemain, 9 novembre. La 3 e D.I. est arrкtйe devant Casablanca ; la 9 e D.I. doit enlever de force la Casbah de Port-Lyautey dйfendue par le lei Rйgiment de Tirailleurs Marocains. En revanche, а Safi, Harmon a dйbarquй sans difficultйs et lance ses blindйs sans retard vers Casablanca.

Aussitфt dйbarquй, Patton prend ses troupes en mains. Il rйorganise les unitйs, assigne des missions, fixe des objectifs, encourage les uns, morigйne vertement les autres. Tout en regardant vers l'avant, il surveille l'arrivйe des appuis et des approvisionnements. Ensuite, il mиne lui-mкme l'attaque contre la batterie de Fйdala et prйpare l'attaque gйnйrale contre Casablanca, la 9 e D.I. venant de Rabat, la 3 e D.I. reprenant son mouvement et les blindйs de la 2 e D.B. accourant de Safi. Pour rйduire l'obstination de la Marine franзaise qui continue d'interdire l'accиs de la ville en dйpit de l'ouverture de pourparlers entre les unitйs franзaises et les forces dйbarquйes, l'assaut est prйvu pour le 11 novembre. Pendant ce temps, les йvйnements politiques ont йvoluй, notamment а Alger oщ le gйnйral Mark Clark, adjoint d'Eisenhower, a rencontrй l'amiral Darlan pour exiger et obtenir un cessez-le-feu sur toute l'Afrique du Nord. Ordonnй le 10 novembre, cet armistice n'est effectif au Maroc que le lendemain 11 novembre au matin. Patton peut une nouvelle fois marquer son anniversaire d'un йvйnement mйmorable.

Maroc et Tunisie

Patton installe le P.C. de la Western Task Force а Casablanca, dans l'immeuble de la compagnie Shell. La W.T.F. a une double mission. dйfense extйrieure et sйcuritй intйrieure. Il s'agit d'empкcher une intervention allemande ou espagnole а travers le dйtroit de Gibraltar. Les troupes alliйes risqueraient de se retrouver dans la situation oщ elles-mкmes avaient mis les Germano-italiens de Tunisie et de Libye. Aprиs avoir йtй rйorganisйes et recomplйtйes, les trois divisions de la W.T.F. se regroupent autour de Casablanca. au Nord, la 3 e D.I. s'installe dans la zone Fйdala-Rabat, dйtachant un rйgiment а Oujda, ville-йtape importante entre Maroc et Algйrie, la 9 e D.I. s'installe а Port-Lyautey et la 2 e D.B. se concentre aux sorties du petit port de Salй.

Quant au commandant de la W.T.F. il se familiarise avec l'environnement politique. Percevant bien la situation complexe entre les autoritйs marocaines, l'administration du Protectorat franзais et la prйsence des troupes amйricaines, il s'efforce de mйnager les susceptibilitйs, de flatter les amours-propres, tout en manifestant la prййminence amйricaine. Le 16 novembre il se rend а Rabat pour y rencontrer le gйnйral Noguиs, rйsident franзais, puis le Sultan du Maroc, Mohammed ben Youssef. Patton est impressionnй par la Garde Noire du sultan et par le chapeau chinois de la Nouba. Cette premiиre visite sera suivie de nombreuses autres, au cours desquelles se dйveloppera une certaine amitiй entre les deux hommes, ainsi qu'avec le prince hйritier, Hassan, actuel roi du Maroc, alors вgй d'une quinzaine d'annйes. Patton se garde d'entamer la crйdibilitй des Franзais auprиs des Marocains, n'intervenant pas dans les affaires administratives ou politiques. Il reconnaоt que seule la prйsence franзaise garantit l'ordre. Sans кtre particuliиrement chaleureuses, les relations entre les deux armйes, franзaise et amйricaine, sont bonnes. Patton exige que les G.I. saluent les officiers franзais, faisant remarquer que " jusqu'а prйsent les troupes franзaises sont plus correctes avec nous que nous avec elles ". En reconnaissance de son passй, de son rфle au cours des journйes critiques du dйbarquement et de sa francophilie, il est fait Commandeur de la Lйgion d'Honneur. Le sultan du Maroc, quant а lui, le dйcore de la Grand Croix du Ouissam-Alaouite, assortie d'une citation oщ il est йcrit. ". et les lions dans leurs taniиres tremblent en le voyant approcher ". Nul doute que cette comparaison йpique avec un paladin mйdiйval l'ait profondйment touchй.

Durant quatre mois, Patton est maintenu au Maroc, administrant sa W.T.F. rendant visite aux autoritйs espagnoles, les impressionnant par le dйploiement de la 2 e D.B. Toutefois, Patton subit personnellement une dйception. Eisenhower crйe la 5 e Armйe amйricaine et la confie а son adjoint Clark. Plus jeune en вge et en grade, Clark йtait encore lieutenant-colonel en 1940, alors que Patton йtait dйjа major-gйnйral. Pis encore, les deux gйnйraux sont appelйs а se voir frйquemment, le P.C. de la 5 e Armйe йtant fixй а Oujda. Nйanmoins, Patton s'intйresse а ce qui se passe en Tunisie. Il va, а la mi-dйcembre, inspecter les unitйs blindйes dйtachйes auprиs des Anglais. Leur situation est grave. les chars lйgers M 5 ne peuvent rivaliser avec les blindйs allemands. Les Sherman M 4 ne sont pas encore arrivйs des Etats-Unis. Patton rapporte toutes ses observations а Eisenhower lorsqu'il s'arrкte а Alger, а son retour. La 5 e Annйe est officiellement activйe le 4 janvier 1943 ; Clark est dйsormais responsable des forces amйricaines au Maroc. Patton s'efface devant lui dans les relations avec les autoritйs franзaises et marocaines.

Il est toutefois responsable de la sйcuritй de la Confйrence que Roosevelt et Churchill sont convenus de tenir а Casablanca. Justement codifiйe sous le nom de Symbol, cette rйunion est plus connue sous le nom de Confйrence d'Anfa. Elle regroupe les Йtats-majors et les conseillers des deux leaders alliйs. Patton y trouve l'occasion de revoir ses anciennes relations de Washington, notamment le gйnйral Marshall, et d'approcher les Grands du moment. Roosevelt, Churchill, Harry Hopkins, le gйnйral Alan Brooks, l'amiral Cunningham. La Confйrence d'Anfa tente, entre autres sujets, de rйgler les relations entre le gйnйral Giraud, qui a succйdй а l'amiral Darlan assassinй, et le gйnйral de Gaulle, venu de Londres oщ il a animй la " France Libre " depuis juin 1940. Sur le premier, Patton porte ce jugement sйvиre. " Type mкme du vieux gaulois aux yeux bleus et а l'intelligence limitйe. J'ai bien peur qu'il soit trop militaire pour faire un bon dictateur ".

L'une des dйcisions prises а Anfa concerne la Sicile oщ les forces alliйes devront dйbarquer au printemps suivant. Eisenhower est dйsignй pour commander l'opйration. Les forces engagйes comprendront la 8e Armйe britannique avec Montgomery, et le II e Corps amйricain dont Patton conserve le commandement. Celui-ci se met au travail sans tarder avec son йquipe de fidиles. Survolant le champ de bataille tunisien, il se rend mкme а Tripoli pour y rencontrer Montgomery ainsi que ses officiers, originaires de tout le Commonwealth.

La campagne de Tunisie avait commencй sous de mauvais augures. Les Franзais, divisйs en partisans de la rйsistance aux Allemands et fidиles du marйchal Pйtain, n'avaient pas su organiser et assurer la sauvegarde de la zone stratйgique Tunis-Bizerte, qui avait йtй rapidement occupйe par des йlйments germano-italiens. Les Anglais, dйbarquйs а Bфne, n'avaient pas profitй des premiиres heures de surprise pour pousser leurs йlйments rapides vers Tunis. 1и lors, il fallait reprendre la Tunisie aux forces de l'Axe. qui pouvaient espйrer recevoir le renfort des unitйs de l'Afrika Korps se repliant aprиs l'йchec que leur avait infligй la 8 e Armйe britannique а El-Alamein.

En janvier 1943, la 1 re Armйe britannique conduit les opйrations sur le front occidental de Tunisie. elle coiffe le V e Corps britannique au Nord, le XIX e Corps franзais au centre et le II e Corps amйricain au Sud, commandй par le major-gйnйral Fredendall. Celui-ci avait menй le dйbarquement alliй sur Oran mais ses capacitйs de commandement et sa pugnacitй semblaient fortement attйnuйes depuis le dйbut des combats en Tunisie. Du cфtй adverse, Rommel qui a pu se dйgager de ses poursuivants britanniques, arrive sur la ligne Mareth. Laissant ses corps d'armйe italiens surveiller l'arrivйe de Montgomery, il se retourne face а l'Ouest, avec ses deux divisions blindйes (la 10 e et la 21 e PzD) et la division Centauro italienne. Articulйes en deux puissantes colonnes, ces forces dйbouchent le 14 fйvrier sur la ligne tenue face au Sud-Est par le II e C.A.U.S. et un rideau de troupes franзaises. La 1 re D.B.US (gйnйral Ward) est culbutйe au col de Faid, entraоnant le repli gйnйral du II e Corps sur la crкte de la Grande Dorsale, et l'abandon de Gafsa. Prenant comme objectif la petite agglomйration de Sbeitla, Rommel entreprend de franchir la Grande Dorsale. La 21 e PzD. est arrкtйe а la passe de Sbiba par le XIX e Corps franзais ; en revanche, la 10 e PzD. force la passe de Kasserine tenue par la 1 re D.I.US (gйnйral Allen) et marche sur Tйbessa, en territoire algйrien. L'alerte est gйnйrale chez les Alliйs qui se voient tournйs sur leurs arriиres,

avec une grave menace sur Constantine. Fredendal songe а abandonner Tйbessa pour se concentrer su Thala et le massif de l'Ouenza. Le gйnйral Juin convainc de n'en rien faire, alors que la 6 e D.B. britannique " roque " vers le Sud pour renforcer le Amйricains. Le premier vйritable engagement а troupes amйricaines contre un adversaire dйterminй ne s'йtait pas conclu par beaucoup de gloire. le II e Corp avait perdu 7.000 hommes (dont 4.000 prisonniers 235 chars et 110 vйhicules blindйs, sans compter les impedimenta logistiques. Aussi, pour insuffler un esprit plus combatif et remonter le moral des unitйs йtrillйe Eisenhower convoque-t-il Patton а Alger le 4 man tandis qu'il prйpare ses bagages, le gйnйral Be& Smith, chef d'Йtat-major d'Eisenhower, lui apprend par tйlйphone qu'il vient d'кtre dйsignй pour remplace Fredendall, relevй de son commandement et renvoyй aux Etats-Unis, oщ il prendra le commandement de la 2 e Armйe. Outre une certaine satisfaction professionnelle ( " les combats de Tunisie sont affaire de chars et j'en connais davantage sur les chars. "), cette dйsignation le touche personnellement. en effet, son gendre, le colonel Waters, mari de sa fille aоnйe Bйatrice, a йtй fait prisonnier а Sidi-Bon-Zid le 16 fйvrier avec les survivants de son groupement. Pour l'heure, Patton abandonne les prйparatifs de Husky (l'opйration de Sicile), mais emmиne avec lui quelques-uns de ses officiers. il veut avoir le plus d'atouts possibles dans son jeu lorsqu'il arrivera au Kouif (Sud-Constantinois) oщ est installй le P.C. du II e Corps. Comme Patton est maintenu dans le projet de Sicile, Eisenhower lui affecte comme adjoint le gйnйral Omar Bradley qui lui succйdera dиs que l'йvolution des combats le permettra. Enfin, en vue d'assurer son autoritй, pour autant que cela soit nйcessaire, Patton reзoit sa troisiиme йtoile (lieutenant-gйnйral) le 12 mars. Comme ce fut souvent le cas dans l'histoire de l'armйe amйricaine, c'est par la radio qu'il en sera informй. Un de ses rкves d'enfant s'est rйalisй, mais " il y en a tellement que cela a perdu de son charme " (lettre а Bйatrice, 13 mars 1943, dans Blumenson).

А peine installй au Kouif, Patton commence la reprise en mains de ses troupes en imposant une stricte discipline dans le comportement comme dans la tenue. Il compte ses unitйs. la 1 re D.I. la 9 e D.I. et la 1 re D.B. La 1 re D.I. US avait participй, avec la 1 re D.B. aux combats pour la prise d'Oran (Central Task Force) ; la 9 e D.I. avait combattu avec Patton pour la conquкte de Port-Lyautey. La 1 re D.B. quant а elle, йtait la seule unitй amйricaine а avoir combattu les Germano-italiens depuis le dйbut ; ses soldats se considйraient comme des vйtйrans. Sur le terrain, Rommel doit se retourner contre Montgomery ; la mйsentente dans le Haut-commandement de l'Axe et l'arrivйe de la 8 e Armйe dans le Sud empкchent l'exploitation des succиs allemands de la mi-fйvrier. En йchange, la I re Armйe italienne et la 5 e PzD. allemande sont dйsormais sur la dйfensive. Patton projette de lancer son 11 e Corps sur l'axe Feriana-Gafsa-Gabйs pour couper les arriиres de Rommel et peut-кtre abrйger les combats d'Afrique du Nord de plusieurs semaines. Les Allemands en sont йgalement parfaitement conscients. Ils se retirent rapidement vers Gabйs, laissant derriиre eux d'immenses champs de mines. Le temps pour Patton de rйorganiser son commandement et l'occasion est perdue. Nйanmoins, Patton a l'intention de lancer son attaque sur Gafsa le 15 mars. Soudainement, les conditions mйtйorologiques deviennent catastrophiques. des trombes d'eau se dйversent sur les objectifs et les routes. L'attaque dйbouche le 17, avec deux jours de retard. Gafsa est occupйe sans coup fйrir. les Allemands l'ont abandonnйe mais, en revanche, ils s'accrochent aux cols de Maknassy et d'El-Guettan. Patton partage le II e Corps en trois groupements. au Sud, des йlйments de la 1 e et de la 9 e D.I. repoussent les Italiens de la Centauro sur El-Guettar ; au centre, la 1 re D.B. est lancйe sur Maknassy qu'elle occupe le 22 mars, mais elle se voit arrкtйe par un fort groupement blindй йquipй des nouveaux chars lourds TIGRE. Le gйnйral Ward, en dйpit des stimulations de Patton, ne peut forcer la passe ; il est blessй dans les combats. Le gйnйral Harmon, que nous avons connu а Safi avec sa 2 e D.B. vient le remplacer. Enfin au Nord, la 34 e D.I. qui vient d'arriver, est poussйe sur Sbeitla puis au-delа vers Fondouk-el-Aouareb. Le 7 avril, une colonne amйricaine rencontre la 8 e Armйe britannique sur la route d'El-Guettar а Gabйs.

Patton a rempli sa mission mais il n'est pas autorisй а pousser jusqu'а la mer. Il en est particuliиrement dйsappointй, furieux mкme ; dйsormais, tout au long de la guerre, il conservera beaucoup de ressentiment contre les Anglais. La derniиre dйmonstration de ses capacitйs а la tкte du II e Corps consiste а regrouper ses divisions а l'arriиre du front. la 9 e D.I. autour de Bon Chebka, la 1 re D.I. autour de Morsott et la 1 re D.B. а Sbeitla ; il a perdu la 3 e D.I. qui a йtй prкtйe а un corps d'armйe britannique. Ensuite, il rйalise une belle performance logistique en organisant le mouvement de ses trois grandes unitйs, de la rйgion de Tйbessa au Nord de la Tunisie, par des itinйraires Sud-Nord qui coupent les axes principaux Est-Ouest. Une fois le II e Corps installй dans sa nouvelle zone du Dejebel-Abiod а Beja, Patton passe, comme convenu, son commandement а Bradley, puis rejoint l'йtat-major du 1 er Corps pour reprendre l'йtude du dйbarquement en Sicile.

La campagne de Tunisie a fait connaоtre Patton comme chef de guerre, autant auprиs des Alliйs anglais et franзais que dans l'opinion amйricaine а qui la presse l'avait rйvйlй peu avant la guerre. On peut mettre а son crйdit les circonstances de sa prise de commandement, ses mйthodes de reprise en mains, son talent de manoeuvrier. En revanche, dйjа, son esprit vindicatif (surtout а l'йgard des Britanniques), son (trop) rude langage de soudard, son obsession d'une " obйissance entiиre et d'une soumission de tous les instants ". ainsi que le disait le vieux rиglement franзais, le rend insupportable а ses subordonnйs et d'un commerce difficile avec ses chefs comme avec ses pairs. L'invasion et la conquкte de la Sicile ne vont pas attйnuer les contradictions de son personnage.

La campagne de Sicile

Dиs son retour а la tкte du 1 er Corps, Patton reprend la mise au point de l'opйration Husky. A la fin d'avril, les rйunions reprennent а Alger sous la prйsidence du gйnйral anglais Alexander, commandant le 15 e Groupe d'Armйes, chargй de mener а bien l'opйration. La date du dйbarquement est fixйe au 10 juillet mais deux plans s'opposent. le plan amйricain, appuyй par Alexander, prйvoit de dйbarquer а la pointe Nord-Est de l'оle, de s'emparer de Palerme et de foncer en diagonale а la rencontre des Britanniques qui auront dйbarquй au Sud de l'оle ; cette audace ne plaоt guиre а Montgomery qui prйfиre un dйbarquement de part et d'autre du cap Passero, sa 8 e Armйe а l'Est, le 1 er Corps US (Patton) а l'Ouest. Il espиre ainsi atteindre rapidement, et le premier, la ville de Messine, en face de l'Italie continentale. Aprиs une sйrie de rйunions contradictoires et d'йchanges de notes, c'est le plan Montgomery qui l'emporte ; Patton finit par s'y rallier, les prйparatifs se poursuivent. En cette occasion, Patton porte un jugement que l'Histoire ne confirmera pas. dans son journal personnel, il note fin mai que. " Churchill dirige cette guerre et Husky ne l'intйresse pas ". En rйalitй, il s'est avйrй que la politique anglaise cherchait bien а frapper le " ventre mou " de l'Axe pour pйnйtrer en Allemagne par l'Italie et l'Autriche, en opposition avec celle de Roosevelt et de Marshall, partisans de l'invasion par la France et la Belgique. Quoi qu'il en soit, le dйbarquement en Sicile est aussi l'occasion de mettre а l'йpreuve tous les nouveaux matйriels de dйbarquement. Landing Craft Motor (LCM), qui porte un char lйger, Landing Craft Tank (LCT), qui emporte deux chars Sherman, Landing Ship Tank (LST), capable de transporter de quarante а soixante vйhicules.

Aprиs l'occupation de Pantellaria au beau milieu du dйtroit de Sicile, le 12 juin 1943, la 6 e Armйe italienne du gйnйral Guzzoni, avec ses deux corps d'armйe, le 12 e (Gйnйral Arisio) et le 16 e (Gйnйral Rossi), et deux divisions allemandes, la 15 e PzD et la PzD " Hermann Goering ". s'attend а l'йvidence а recevoir l'invasion alliйe sur les rivages de l'оle. Le 10 juillet, comme prйvu, le dйbarquement a lieu sur les plages de Cassibile, а l'Est, et de Gela, а l'Ouest.

Pour Patton, cette opйration commence bien. il reзu en pleine mer notification que le 1 er Corps Blindй, ex Western Task Force, devenait la 7 e Anm amйricaine, coiffant le II e Corps de Bradley (а deux divisions. la 1 re D.I. qui deviendra cйlиbre sous le surnom de Big Red One - " le grand numйro Un rouge - et la 45 e D.I.), et deux divisions indйpendantes, la 3 e D.I. et la 2 e D.B. la 9 e D.I. restant en rйserve. Le dйbarquement britannique a lieu sans difficultйs XXX e C.A. du gйnйral Leese avance plein Ouest pour donner la main aux Amйricains qui ont йgalement dйbarquй facilement а Gela, а l'Est du petit port a Licata. Au matin du lendemain, la Panzer Divisй " Hermann Goering " et une division italienne dйclenchent une violente contre-attaque blindйe. La 1 re D.I.US plie sous le choc, laissant les Mark IV allemands prиs d'atteindre les plages. Patton fait dong l'artillerie des croiseurs Savannah et Boise qui йcrase l'attaque ennemie. L'alerte a йtй chaude, mais, а partir de ce moment, la rйsistance italienne va s'йvaporer en face de la 7 e Armйe. Patton lance alors Bradley vers le centre de l'оle (dиs le 14 juillet la liaison est йtablie avec la 8 e Armйe britannique а Ragresa et а Comino) et s'empare d'Agrigente, а l'Ouest de Licata, mettant ainsi la main sur un port assez important pour recevoir son propre ravitaillement. Pendant ce temps, Montgomery a du mal а atteindre Messine par la cфte. Il transfиre donc le corps d'armйe de Leese а l'Ouest de l'Etna, empiйtant de ce fait sur la zone amйricaine. Il vient alors а Patton une idйe de gйnie. il fait obliquer Bradley en direction de Termini, puis, formant un groupement de marche avec la 3 e D.I. et la 2 e D.B. il le confie au gйnйral Keyes avec l'objectif d'atteindre Palerme au plus vite. En quatre jours, du 18 au 22 juillet, Keyes remplit sa mission а un rythme de guerre-йclair. Une fois la ville prise, la 9 e D.I. qui йtait en rйserve, y dйbarque et file le long de la cфte en direction de Messine. La cфte septentrionale йtant alors neutralisйe, Bradley, pendant ce temps, enlиve Enna et marche sur Troina. Les Allemands, sous les ordres du gйnйral Hube, raidissent leur dйfense, recevant le renfort, tardif mais important, de la 29 e PzG Division et de la 1 re Parachutiste. Avec ces quatre grandes unitйs, Hube va ralentir la progression alliйe, ce qui lui permet de se replier par le dйtroit de Messine avec l'essentiel de ses moyens. Patton, pour accйlйrer sa marche sur Messine, fait effectuer des dйbarquements en sauts de grenouille le long de la route littorale. II tient а parvenir le premier а Messine pour damer le pion а Montgomery. Celui-ci est toujours empкtrй dans les chemins qui contournent l'Etna et, malgrй les efforts des commandos de la 8 e Armйe, ce sont les G.I. de la 3 e D.I. US (Gйnйral Truscott) qui pйnиtrent les premiers dans Messine dans la nuit du 16 au 17 aoыt. Hube a pu sauver 35.000 hommes mais a laissй aux Alliйs les trois-quarts de son matйriel. 256 chars, 2.320 vйhicules, 1.100 canons. L'ordre du jour que Patton adresse а sa 7 e Armйe est chaleureux et plein de fiertй. " La rapiditй de votre attaque qui vous a livrй Palerme n'a d'йgales que la tйnacitй et l'agressivitй avec lesquelles vous avez enlevй Troina et saisi Messine Votre renommйe ne pйrira jamais ". La campagne de Sicile n'a durй que cinq semaines ; Patton y a confirmй ses capacitйs de manњuvrier et de meneur d'homme car, plus d'une fois, il s'est trouvй sur le terrain pour galvaniser ses hommes de la voix et du geste (sur les plages de Gela), ou pour prendre la bonne dйcisif opйrationnelle (la prise de Palerme) ou tactique (les dйbarquements de Sant'Agata et de San Fratello).

Nйanmoins cette campagne de Sicile va ternir йnormйment la rйputation de Patton. On rapporte d'abord des incidents comme celui d'une charrette mule barrant la route de son escorte ; on raconte que Patton abattit de sa main la bкte rйcalcitrante avec son fameux revolver а crosse de nacre, aidant ensuite а basculer l'attelage et l'animal mort dans le ravin proche. Il y a ensuite l'affaire du gйnйral Terry Ailen qui avait conduit le Big Red One du dйbarquement en Oranie jusqu'а la prise de Tunis, et que Patton relиve de son commandement en pleine action, devant Troina, soulevant l'indignation des officiers et des soldats de sa division. Enfin et surtout, il y a le drame du soldat giflй, qui achиve de disqualifier Patton aux yeux de ses subordonnйs, de ses chefs et surtout de l'opinion publique amйricaine alertйe par des correspondants de guerre avides de copies а sensation. (Une premiиre affaire d'exйcution de soixante-dix prisonniers allemands par un capitaine et un sergent du II e Corps avait dйjа agitй le cercle des correspondants de guerre en Sicile.

Plus tard, en Angleterre, Patton eut encore а dйfendre ses subordonnйs, encore qu'il ait dit qu'il aurait fallu les fusiller, eux aussi)

Il est certain que George S. Patton n'a jamais йtй un calme. Dйjа en 1910, il avouait а Beatrice avoir injuriй et brimй un palefrenier. Plus tard, sur les plages de Fйdala, il n'hйsite pas а " botter les fesses " des uns, injurier et а frapper d'autres parce qu'ils manquent de zиle dans le dйchargement des pйniches de dйbarquement. En Sicile, il pousse le paroxysme de son agressivitй jusqu'а gifler, en deux occasions, deux soldats йvacuйs sans blessures apparentes, dans le mкme hфpital d'йvacuation, le 15 e. Le 3 aoыt, il s'agit du soldat Charles Kuhl du 26 e R.I. (justement de la 1 re D.I.), hospitalisй pour йpuisement, atteint en fait de la malaria. Patton le frappe de son gant, l'empoigne et le jette hors de la tente oщ il йtait abritй. Le l0 aoыt, au cours d'une visite identique, le canonnier Paul Bennett du 17 e d'Artillerie lui avoue qu'il est lа а cause de ses nerfs ; Patton йclate d'une colиre rageuse, le secoue et dйgainant son revolver menace de l'abattre comme il l'a fait de la mule. Des journalistes ont vent des deux affaires, d'autant que Patton a dйjа envoyй а ses grands subordonnйs une note relative aux faux malades et autres cas de lвchetй. En outre, les responsables du corps mйdical ont fait leur rapport а leur propre hiйrarchie. Finalement, Eisenhower doit envoyer son adjoint, le gйnйral Lucas, pour enquкter sur ces affaires et obliger Patton а faire des excuses aux deux soldats, au personnel de l'hфpital qui a йtй tйmoin des incartades et en fin de compte а toute la 7 e Armйe. La censure laisse passer les informations sur " l'affaire des gifles ". tous les Йtats-Unis sont au courant ; le Congrиs s'empare de l'affaire - on songe а suspendre les nominations de Patton -, Bйatrice et ses enfants reзoivent des lettres d'injures. Dans ce tourbillon, dans cette tempкte, une amitiй lui reste sыre. celle d'Eisenhower qui a apprйciй la faзon dont Patton a conduit sa campagne de Sicile. " Patton est essentiellement et avant tout un combattant. C'est un homme entier. d'un tempйrament excessif. Cela dit, des qualitйs exceptionnelles doivent entrer en ligne de compte quand (vous aurez а) dйterminer les affectations de vos officiers gйnйraux les plus anciens ". ainsi le futur " Ike " s'adresse-t-il au gйnйral Marshall а la fin d'aoыt 1943, au moment oщ s'ouvrent les prйparatifs de l'opйration Oi'erlord, le dйbarquement en Normandie. Beaucoup d'autres gardent leur confiance а Patton, qu'il retrouvera dans quelques mois avec la 3 e Armйe que l'on va former en Grande-Bretagne.

La campagne de France

L'opйration Husky a йtй а la fois un succиs et un drame pour Patton. Avec son йtat-major, il attend la prochaine йtape de la guerre, l'invasion de l'Italie que Mark Clark a prйparйe avec sa 5 e Armйe. Patton n'y est pas directement impliquй, toutefois Eisenhower lui a demandй de revenir а Alger pour en йtudier les plans. Patton perзoit rapidement une des faiblesses de la phase de dйbarquement. une riviиre a йtй choisie comme limite entre le VI e Corps US et le X e Corps britannique. Elle ne sera donc pas spйcialement surveillйe ni gardйe et Patton jure que " si Dieu existe, c'est par lа que les Allemands contre-attaqueront ".

Effectivement, trois jours aprиs le dйbarquement anglo-amйricain а Salerne, les 14 e et 76 e Panzer Korps allemands percent le front alliй comme а Gela en Sicile et parviennent а huit kilomиtres de la mer. Lа encore, il faut que l'artillerie des cuirassйs et des croiseurs йcrasent les colonnes blindйes ennemies. Ce coup d'њil tactique qui caractйrise Patton devrait en faire un des leaders de l'assaut en Normandie. Cependant, au dйbut de septembre, la 7 e Armйe est dйpouillйe de toutes ses divisions, les unes envoyйes en Angleterre, les autres en Italie. Patton est profondйment dйзu. il croyait mener le dйbarquement en France, fort de l'expйrience que son йtat-major et lui-mкme avaient acquise dans les opйrations Torch et Husky. C'est Bradley qu'Eisenhower dйsigne pour commander la 1 re Armйe qui dйbarquera au jour J sur les plages de Normandie. Cette opйration, rebaptisйe Overlord demande calme, йquilibre et doigtй, surtout avec les partenaires britanniques. Indйniablement, ce ne sont pas les qualitйs majeures de Patton. Ainsi donc Bradley, qu'Eisenhower considиre comme le meilleur de ses chefs de guerre, aura la charge de prendre pied sur le continent et d'affermir la tкte de pont. Patton, " vйritablement ardent et agressif ". recevra la mission de percer et d'exploiter. Eisenhower propose donc а Marshall que lui soit confiй le commandement de l'armйe de poursuite (fin dйcembre 1943).

Au mкme moment, " l'affaire des gifles " rebondit а l'occasion d'une йmission radiophonique au cours de laquelle l'animateur, un nommй Drew Pearson, la raconte а ses auditeurs. Une nouvelle fiиvre des " mass media ". une nouvelle intervention des parlementaires et voici Patton derechef а la premiиre page des journaux des Etats-unis. Un flot de courrier inonde les responsables politiques mais tout compte fait, les lettres en sa faveur sont plus nombreuses que celles qui lui sont hostiles. Une grande dйception l'attend cependant. Pershing, вgй alors de quatre-vingt-trois ans (il mourra en 1948) lui fait connaоtre sa totale dйsapprobation. Surpris et blessй, Patton rompt toute relation avec le hйros exemplaire de ses jeunes annйes d'officier.

En attendant que son sort soit fixй, Patton voyage. Il se rend au Caire, qui lui paraоt une " ville vйritablement dйgoыtante ". mais oщ il est accueilli avec honneur par les Britanniques du gйnйral Maitland Wilson. Il est particuliиrement impressionnй par sa rencontre avec le gйnйral Anders, hйros de l'armйe polonaise. Puis il visite Malte, dont le gouverneur est Lord Gort, celui qui commandait la British Expeditionnary Force en France en 1940. Il est alors question de reconstituer la 7 e Armйe en vue du dйbarquement dans le midi de la France (opйration An vil) et de lui en rendre le commandement, en particulier а cause de sa connaissance de la France et de ses bonnes relations avec les Franзais. Mais Eisenhower tient а l'avoir avec lui. le 22 janvier, Patton reзoit l'ordre de rallier l'Angleterre. Il atterrit а Prestwick, en Ecosse, le 26 janvier, d'oщ il rejoint Londres oщ " Ike " est installй depuis un mois.

L'йtat-major de la 3 e Armйe a йtй constituй aux Etats-Unis, temporairement aux ordres du gйnйral Courtney Hodges. Celui-ci, une fois en Angleterre, rejoint la 1 re Armйe en tant qu'adjoint de Bradley, а qui il doit succйder plus tard. Patton n'est plus le leader des opйrations, comme jadis au Maroc ou en Sicile. Il fait partie d'une йquipe dont les membres ont tous la mкme importance. Le P.C. de l'Armйe de Poursuite est installй а proximitй de Knutsford, dans le Cheshire, au Sud de Manchester. Les quatre corps d'armйe sont constituйs au fur et а mesure qu'arrivent les divisions. Ville Corps (Troy Middleton, qui commandait la 45 e D.I. US en Sicile), XV e Corps (Wade Haislip, qui a combattu а Saint-Mihiel en 1918), XX e Corps (Walton Walker, lui aussi а Saint-Mihiel, qui a succйdй а Patton au Desert Training Center d'Indio) et, plus tard, le XII e Corps (Gilbert Cook). Patton s'est dйjа rendu en Irlande du Nord oщ Haislip rassemble ses divisions ; une quinzaine de jours a passй lorsqu'а la mi-fйvrier, il reзoit un appel d'Ike lui demandant de se prйparer а repartir pour l'Italie oщ le gйnйral Lucas est bloquй avec le VI e Corps dans la poche d'Anzio. C'est finalement Truscott, autre ancien de la Sicile, qui remplacera Lucas, mais Patton n'est pas peu fier que le gйnйral Alexander, qui commande le thйвtre d'opйrations italien, ait pensй а lui en ce moment de crise.

La prise en mains et l'entraоnement de la 3 e Armйe reprennent, avec exercices et sйances d'ordre serrй, tandis qu'а l'йchelon du haut commandement les " briefings " se succиdent а Londres en prйsence de Montgomery - qui va commander l'ensemble des troupes terrestres au jour J -, mais йgalement du roi George VI et de Churchill, qui a la bonne grвce de reconnaоtre Patton et de l'appeler par son nom. C'est а cette йpoque (avril-mai 1944) que Patton se montre le plus prolixe en discours et en ordres du jour (bien qu'en 1943, Ike lui ait dit un jour. " pense а tourner dix fois ta langue dans ta bouche avant de parler " ). Il faut reconnaоtre que ses maximes pour le combat sont pleines de bon sens. " il n'y aura jamais trop de reconnaissances ". " l'information, c'est comme les њufs, plus elle est fraоche, meilleure elle est ". " la responsabilitй du ravitaillement est йgalement partagйe entre celui qui le fournit et celui qui le reзoit ". ou encore " les dйcorations doivent кtre remises rapidement ". et enfin " courage. ne prenez pas conseil de vos craintes ".

L'opйration Overlord dйbute le 6 juin 1944 ; l'Histoire s'est dйjа emparйe du " Jour le plus long ". mais on rappellera ici combien furent difficiles les premiиres semaines devant la rйsistance tenace des unitйs allemandes de la cфte, renforcйes par des divisions rameutйes de l'intйrieur. Le plan qui prйvoyait la chute de Caen au lendemain du dйbarquement s'avиre totalement caduc ; la 2 e Armйe de Montgomery reste bloquйe dans la plaine de Caen, tandis que la 1 re Armйe de Bradley, bien qu'ayant enlevй Cherbourg dиs le 26 juin, n'arrive pas а dйborder la ligne Lessay-Caumont. Le paysage du bocage avec ses haies et ses chemins encaissйs, l'expйrience des vйtйrans des Panzerdivisionen et le fanatisme des jeunes recrues allemandes permettent а Rommel et а von Rundstedt de retenir leurs adversaires anglo-saxons dans cette vaste tкte de pont du Cotentin et du Calvados jusqu'а la fin de juillet.

Anticipant la prochaine phase de la bataille, Eisenhower a dйjа transfйrй en Normandie le VIII e C.A. (Middleton) pour qu'il se glisse а l'Ouest de l'armйe Bradley, а laquelle il est provisoirement subordonnй. La 3 e Armйe traverse la Manche а partir du 6 juillet, dйbarquant а Utah Beach pour se regrouper dans le Cotentin. Patton atterrit en Dakota prиs d'Omaha Beach, non loin du P.C. de Bradley. Il va fixer le sien а Saint-Sauveur-le-Vicomte. Afin de percer les lignes allemandes, Bradley fait adopter le principe de l'йcrasement par l'aviation de bombardement et par l'artillerie, d'une zone bien dйlimitйe а travers laquelle il lancera un corps d'armйe, le Vile du gйnйral Collins. L'opйration Cobra a lieu le 25 juillet mais Collins met deux jours pour exploiter le " matraquage " subi par la Panzerlehr car les survivants allemands se sont ressaisis ; il faut relancer l'attaque avec des divisions fraоches. Entre le VII e C.A. et la mer, le VIII e C.A. est prкt а s'йlancer. Le 28 juillet, Bradley demande а Patton de reprendre son C.A. et de l'engager en avant de la 3 e Armйe, laquelle ne doit entrer en ligne que le let aoыt. Aussitфt Middleton lance sa 4 e D.B. (Wood) et sa 6 e D.B. (Grow) а travers ses divisions d'infanterie. Wood file sur Coutances, qui est enlevйe dans la soirйe du 28, puis sur Avranches, franchissant la Sйe dans la foulйe, et s'empare enfin du pont de Pontaubault, sur la Sйlune, porte de la Bretagne et de la vallйe de la Loire. Middleton et son VIII e Corps ont rйussi la percйe parce que Patton leur avait insufflй son style et son audace. Derriиre Middleton, Patton pousse les deux autres corps, le XV e d'Haislip et le XX e de Walker. Tandis que le VIII e Corps va se rйpandre en Bretagne, dans l'espoir de se s'emparer de Brest et de Lorient а la hussarde, Haislip franchit le seuil d'Avranches et se tournant vers l'Est, pousse sur Laval et Le Mans (aux cфtйs des 79 e et 90 e D.I. et de la 5 e D.B.US, il a sous ses ordres la 2 e Division Blindйe franзaise commandйe par le dйjа fameux gйnйral Leclerc). Walton Walker arrive enfin, avec son XXe Corps, orientй vers Chartres. Pour le commandement allemand, la surprise rйside dans la capacitй de la III e Armйe а occuper la Bretagne tout en poussant deux puis trois corps d'armйe vers le coeur de la France. Patton, qui a un regard presque napolйonien, comprend bien qu'il peut encercler par le Sud la VII e Armйe allemande qui rйsiste face а Bradley et а Montgomery. Le XV e Corps d'Haislip, flanquй au Sud par Walker, oblique vers le Nord а partir du Mans en deux colonnes, 5 e D.B. et 79 e D.I. а l'Est, 2 e D.B. (Leclerc) et 90 e D.I. а l'Ouest. Leclerc atteint Alenзon, puis Argentan et Ecouchй (13-16 aoыt). Patton est prкt а pousser jusqu'а la Manche pour refermer la poche de Falaise, mais Bradley l'arrкte pour permettre aux Anglais, aux Canadiens et aux Polonais de la 2 e Armйe britannique de marquer quelques points sur les Allemands. Patton imagine alors un encerclement plus vaste sur la Seine mais le Groupe d'Armйes B du marйchal Model rйussit а dйgager la 7 e Armйe et la 5 e Panzerarmee. Comme le VIII e C.A. est encore engagй en Bretagne, oщ les Allemands se sont retranchйs dans les poches de Lorient et de Saint-Nazaire, Patton reзoit le XII e C.A. qu'il place а l'extrкme Sud de son dispositif.

A la mi-aoыt, quinze jours aprиs l'engagement de son armйe, il a donc alignй ses trois corps sur une ligne Dreux-Chartres-Orlйans. Il les lance alors en plein vers l'Est sur des itinйraires aboutissant а Paris, Fontainebleau et Montargis. Le 19 aoыt, le XV e C.A. d'Haislip est sur la Seine а Mantes, tandis que la 2 e D.B. (Leclerc) se dйtache pour soutenir la population parisienne soulevйe contre la garnison allemande. Patton est contraint de faire glisser le XV e C.A. sous la capitale, mais s'il n'a pas la gloire d'en кtre personnellement le libйrateur, du moins toute l'Ile-de-France lui doit-elle sa libйration. Le

21 aoыt, Walton Walker atteint Melun et Fontainebleau. Alors que le 16 aoыt le XII e C.A. a libйrй Orlйans, le 21 il est а Sens et le 26 а Troyes. Paris vient а peine de se libйrer. Cette charge remarquable du XII e C.A. inquiиte son chef dont l'aile droite se trouve а dйcouvert le long et au-delа de la Loire. Il demande а Patton s'il doit se prйoccuper de son flanc droit ; rйponse de celui-ci. " Cela dйpend de l'йtat de vos nerfs ". Patton ne ralentit pas son allure. il voudrait pousser Haislip vers Beauvais pour tenter un nouvel encerclement, mais Bradley qui coiffe dйsormais le 12 e Groupe d'Armйes amйricain (ayant laissй le commandement de sa 1 re Armйe а Courtney Hodges comme convenu) a fixй les grands axes d'efforts. Hodges, franchissant la Seine au Sud de Paris, s'avancera vers le Nord de la France et la Belgique intйrieure, Patton marchera sur Metz et Sarrebruck.

Depuis le 15 aoыt, la 7 e Armйe (l'ancienne de Patton, commandйe а prйsent par Patch) a dйbarquй en Provence avec le Dйtachement d'Armйe du gйnйral de Lattre de Tassigny. Ils ont pour objectif la vallйe du Rhфne, puis le Rhin de Haute-Alsace. C'est alors qu'une grave crise logis-tique s'abat sur le front occidental. la ruйe anglo-amйricaine aprиs la percйe de Normandie a йtй telle que le ravitaillement n'a pas suivi, en particulier l'approvisionnement en carburant. Les colonnes blindйes ou mйcanisйes doivent s'arrкter а bout de souffle. Ce n'est pas tant le carburant qui fasse dйfaut que les moyens efficaces de l'apporter aux unitйs dйjа bien en avant vers les Vosges et la Meuse. Bien pis, Eisenhower semble favoriser les Britanniques, qui remontent le long de la Manche vers la Belgique maritime et les Pays-Bas, au dйtriment des unitйs de Patton. Celui-ci entre dans une noire fureur. Lorsque le 1 er septembre Montgomery est nommй field-marshall, Patton en est vraiment ulcйrй, de mкme que Bradley.

Une nouvelle phase s'ouvre dans la marche au Rhin. Le temps que les armйes se rйorganisent et se rempiиtent, les Alliйs ne repartiront а l'attaque qu'au dйbut de novembre. Septembre voit tout de mкme le XII e C.A. s'emparer de Nancy, le XV e C.A. d'Epinal et le XX e. plus au Nord, border la Moselle en amont de Metz. Mais finalement, il faut marquer le pas. Patton en profite pour rendre visite aux lieux qu'il avait connu en 1917-18. Chaumont, Langres, Bourg. Vers la fin de septembre, une alerte devant Nancy lui offre l'occasion de montrer son flegme en face d'une situation critique (une contre-attaque allemande menace d'enfoncer la 35 e D.I.) et sa capacitй а reprendre en mains les chefs et les troupes en difficultйs. Aprиs avoir apostrophй en termes choisis les gйnйraux Eddy, Grow et Baade (de la 35 e D.I.), il leur impose son idйe de manoeuvre, les oblige а gagner la partie, et les dйcore а l'issue de la bataille. C'est l'affaire de Nancy, du 29 septembre au 4 octobre. Pendant ce temps, Walker entame la rйduction des forts entourant Metz mais la rйsistance se rйvиle plus forte que prйvu. Les combats dureront un mois.

Au dйbut de novembre, la III e Annйe connaоt son axe d'offensive. Metz, la Sarre oщ elle doit franchir la ligne Siegfried, Worms et Mayence sur le Rhin, et audelа, Francfort-sur-le-Main et Cassel. Le 8, c'est l'offensive, en dйpit de pluies diluviennes et des crues consйquentes de tous les cours d'eau lorrains. Le XII e C.A. enlиve Chвteau-Salin puis Morhange (15 novembre). Le XX e C.A. avec trois divisions d'infanterie, investit Metz, puis s'empare de la ville aprиs de pйnibles combats de rues (13-15 novembre), tout en rйduisant les forts (le dernier capitulera le 13 dйcembre). Le 26 novembre, Patton accueille Giraud dans Metz libйrйe. ces deux hommes aux personnalitйs si diffйrentes, se rencontraient pour la troisiиme fois dans des circonstances originales. Nous ne parlerons plus du XV e C.A. d'Haislip, ni de la division Leclerc ; ils ont йtй transfйrйs а la VII e Armйe qui vient de parvenir а la bordure occidentale des Vosges. Patton est furieux, une fois de plus ; il a perdu trиs tфt le Ville C.A. transfйrй а la 1 re Armйe, et voilа qu'un autre corps lui fait dйfaut. А cela s'ajoute une grave crise d'effectifs ; les remplacements ne s'effectuent pas, aussi Patton verse-t-il dans les divisions d'infanterie le personnel des йtats-majors et des services. Il n'en parvient pas moins sur la Sarre а la mi-dйcembre et va s'attaquer а la ligne Siegfried. Il songe а avancer son P.C. de Nancy sur Saint-Avold, dиs lors que ses divisions de tкte sont dйjа а Sarrelouis et а Merzig, en territoire sarrois. Le dйplacement est prйvu pour le 19 dйcembre ; il ne pourra pas avoir lieu. La fameuse contre-offensive des Ardennes dйbouche le 16 dйcembre, par un temps couvert et glacial, surprenant les unitйs du VIII e C.A. et provoquant la rupture du dispositif alliй.

La bataille des Ardennes

Dйjouant la surveillance des services de renseignements alliйs et les analyses du G-2 d'Eisenhower, le gйnйral anglais Strong, et profitant des conditions mйtйorologiques mйdiocres du dйbut de dйcembre, Hitler lance trois armйes blindйes а travers les Ardennes le 16 dйcembre 1944. Les trois divisions d'infanterie du VIII e C.A. amйricain (toujours sous les ordres de Middleton) tiennent plus de cent kilomиtres de front ; l'une d'elles, la 106 e. vient tout juste d'arriver d'Angleterre, йtalant sur trente-cinq kilomиtres sept bataillons sans expйrience du combat. La surprise, autant stratйgique que tactique, est totale. le VIII e C.A. s'effondre, se disloque et recule de vingt-cinq kilomиtres en trois jours. La 6 e Armйe blindйe S.S. et la 5 e Panzerarmee, reconstituйe depuis les combats de Normandie, filent vers la Meuse de Namur et de Liиge. Heureusement, les flancs de la poche, le Bulge, rйsistent en cйdant pas а pas а la pression de l'ennemi. Le dispositif occidental alliй menace d'кtre coupй en deux. Montgomery rejetй vers le Nord et Bradley, enfoncй au centre, repoussй vers le Sud.

Patton est averti de la percйe allemande dиs le soir du 16 dйcembre, lorsque Bradley lui demande de prйlever la 4 e D.B. sur le corps d'armйe de Walker et de l'envoyer sans retard vers le VIII e C.A. Tout en renвclant, car la situation ne lui apparaоt pas encore clairement, Patton met en mouvement cette grande unitй. Le 18 au matin, convoquй а Luxembourg avec ses officiers d'йtat-major, il propose а Bradley de dйplacer une partie de sa 3 e Armйe face au Nord, pour йtayer le Sud de la poche et lancer une contre-attaque sur le flanc de la 7 e Armйe allemande. Le chef d'йtat-major de Patton, le gйnйral Gay, prйpare dйjа les mouvements de la 4 e D.B. (Gaffey) dйjа arrivй а Longwy, de la 80 e D.I. (Mac Bride) encore а Thionville, et de la 26 e D.I. (W.S. Paul). L'йtat-major du III e C.A. (Millikin) venait d'кtre entraоnй en vue de l'offensive sur la Sarre. c'est lui qui va coiffer l'engagement de ces trois divisions sur leur nouvel axe. La grande difficultй tient en ce que leurs itinйraires vont cisailler les axes Ouest-Est par lesquels les XII e et XX e C.A. sont ravitaillйs. Simultanйment, ces deux derniers corps doivent glisser vers le Nord, pour serrer sur les bords de la poche, tandis que la VII e Armйe (Patch) doit йtendre son aile gauche pour tenir les anciennes lignes de Walker.

C'est а Verdun, le 19 au matin, au Grand Quartier Gйnйral d'Eisenhower que se tient la rйunion au cours de laquelle se dйcide la manoeuvre qui doit arrкter la poussйe allemande. Ike demande а Patton а quel moment il pourra attaquer. Patton lui rйpond sans hйsitation. " Dans trois jours, le 22 dйcembre, avec mes trois divisions ". Dans son journal, Patton ajoute. " certains parurent surpris, d'autres enchantйs ". Cette manњuvre et ces dйlais extrкmement courts sont un dйfi au temps et а l'espace. mise en place des unitйs а plus de cent kilomиtres de leur zone d'attente, ravitaillement et munitions а faire suivre, crйation de dйpфts hors des zones initialement prйvues, йlaboration et diffusion des ordres dans un laps de temps considйrablement rйduit, divisions recomplйtйes au maximum de leurs effectifs et de leur matйriel pour leur donner le plus grand nombre de chances dans l'attaque, etc. De Nancy, l'йtat-major de la III e Armйe accomplit un travail remarquable, et, sous l'impulsion de Patton, rйussit le dйplacement de la III e Annйe, de l'Est vers le Nord. Ainsi, le 10 e R.I.US (5 e D.I.) parcourt en une nuit le trajet Sarreguemines-Arlon, par cent kilomиtres de routes secondaires. La 90 e D.I. engagйe а Dillingen dans la Sarre, est dйplacйe en deux jours sur plus de soixante-quinze kilomиtres sans un seul accident de personnel ou de vйhicule. Cette activitй intense ouvre une pйriode de six semaines pendant lesquelles se produiront quarante-deux mouvements de divisions de cent kilomиtres chacun, en moyenne. Cette brillante performance est, а grande йchelle, la mкme manoeuvre rйalisйe en avril 1943 en Tunisie, lorsque le II e C.A.US est passй de la rйgion de Tйbessa au Sud, au secteur de Bйja-Cap Serrat tout au Nord. Patton avait conservй sa fidиle йquipe d'йtat-major а travers les vicissitudes siciliennes et ceux qui dйplacent trois corps d'armйe en 1944 sont les mкmes qui mettaient en route trois divisions deux ans auparavant, mais cette fois ils le font trois fois plus vite.

Cette brillante manњuvre logistique a un objectif opйrationnel. En premier lieu dйgager Bastogne, carrefour de l'Ardenne belge, tenue par la 101 e Division aйroportйe (Mac-Auliffe) qui est cernйe par la 26 e Panzergrenadiere. C'est la mission de la 4 e D.B. qui rejoint le 26 dйcembre les parachutistes encerclйs, tout en rйsistant aux tentatives dйsespйrйes du XLVII e C.A. allemand pour enlever la ville jusqu'au 9 janvier 1945. Simultanйment, sur la droite de la 4 e D.B. dйbouchent les 26 e et 80 e en direction de Houffalize, au centre mкme de la poche, dont elles grignotent les bords. La 7 e Armйe allemande (Brandenberger), assommйe par l'intervention ininterrompue de l'aviation alliйe (le vif soleil d'hiver a rйapparu) se met sur la dйfensive ; les Panzerdivisionen ont perdu la quasi-totalitй de leurs blindйs. Pis encore, il n'y a plus de carburant chez les Allemands. La grande offensive des Ardennes se termine par un йchec, prйvisible dиs lors que le beau temps et la logistique interviennent en faveur des Alliйs. Le 16 janvier, les йlйments de tкte de la 1 re D.B. entrent а Houffalize, oщ les rejoint peu aprиs la 2 e D.B. de la 1 re Armйe, qui a attaquй du Nord. Durant les quinze jours suivants, les Allemands sont refoulйs sur la ligne de l'Our et de la Rier. La bataille des Ardennes est terminйe ; Patton est trиs flattй lorsqu'il apprend qu'Eisenhower a dit de lui а un officier de la III e Armйe. " Savez-vous que George est rйellement un trиs grand soldat ". La presse amйricaine a bien compris le rфle de Patton dans cette bataille puisqu'il apparaоt, pour la seconde fois, sur la couverture de " Life ". le 15 janvier 1945.

La chevauchйe а travers l'Allemagne

Le saillant des Ardennes йtant йliminй, les armйes alliйes vont reprendre leur poussйe en direction du Rhin. D'abord au Sud, le 6 e Groupe d'Armйes (commandй par Devers) rйduit la poche de Colmar, conjointement avec la 1 re Armйe franзaise renforcйe par le XXI e C.A.US (Milburn) ; rйduction acquise le 7 fйvrier 1945. L'offensive gйnйrale est justement fixйe au lendemain 8 fйvrier. Le Groupe d'Armйes Centre (Bradley), avec la 1 re Armйe (Hodges) et la 3 e Armйe (Patton), doit engager le front allemand du Groupe d'Armйes B, afin de fixer sur place les divisions ennemies et d'empкcher tout renfort vers le Nord oщ Montgomery, une fois encore, est chargй de l'effort principal. Le Groupe Sud (ex-6 e Groupe d'Armйes) reзoit mкme l'ordre de demeurer sur la dйfensive. La colиre des gйnйraux amйricains est unanime. " Nous йtions tous consternйs " lit-on dans le journal de Patton а la date du 3 fйvrier. Il a du moins une consolation. le gйnйral Van Fleet (90 e D.I.US) et le gйnйral Leclerc ont demandй, chacun de leur cфtй, sans s'кtre concertйs, а кtre remis sous les ordres de la 3 e Armйe. Patton monte une offensive en direction du Rhin avec les VIII e et XII e C.A. Le dйmarrage est rude, difficile ; Patton pousse ses gйnйraux, rend visite aux йlйments de tкte et finalement le Rhin est atteint le 7 mars au Nord de Coblence par la 4 e D.B. mais le III e Corps (Millikin), transfйrй а la 1 re Armйe depuis la fin de fйvrier, en souffle la notoriйtй а Patton en s'emparant du fameux pont de Remagen. Qu'importe. Patton nettoie le Palatinat а grandes chevauchйes avec ses quatre divisions blindйes, 4 e. 10 e. 11 e et 12 e. А la mi-mars, Patton peut annoncer qu'il a capturй son 230.000 e prisonnier de guerre depuis que la 3 e Annйe est entrйe en opйrations, 230 jours auparavant. Le XII e Corps s'est rabattu le long du Rhin, toute l'armйe Patton se concentre au Sud de la Nahe et le 23 mars, la 5 e D.I. franchit le fleuve а Oppenheim, en amont de Mayence, lа oщ Napolйon avait aussi jadis " traversй le Rhin ".

Patton poursuit sa chevauchйe au delа du Rhin. Il semble qu'il n'y ait plus de forces cohйrentes en face de ses corps d'armйe. le 4 avril, ils sont dйjа sur la Fulda. Le XII e C.A. s'empare de Cobourg et de Saalfeld, le V e C.A.US. remis aux ordres de la III e Armйe, franchit la frontiиre tchйcoslovaque et atteint Pilsen.
Le XX e Corps atteint Ratisbonne, marchant sur la frontiиre autrichienne par le Danube de Passau. Au cours de cette avance, Patton et ses hommes libиrent les camps de prisonniers de guerre et
dйcouvrent l'atrocitй des camps de concentration (c'est le XX e Corps qui trouve Buchenwald). Patton fait visiter ces camps par toutes les unitйs de son armйe, car son intention, а ce moment, est d'йviter toute fraternisation. Il a aussi une grande joie car il est sentimental. il libиre son gendre le colonel J. Waters, fait prisonnier а Kasserine en fйvrier 1943, que les Allemands avaient transfйrй dans un Oflag de Franconie. Autre joie plus intime. Truman, tout juste prйsident des Etats-Unis par la mort de Roosevelt le 12 avril 1945, lui accorde sa quatriиme йtoile le 17 avril (йquivalent au grade franзais de gйnйral d'Armйe). Quelques jours auparavant, Patton avait йcrit quelques lignes critiques sur l'ex-vice prйsident ; il a dы alors regretter son jugement un peu hвtif. Enfin pour lui qui fut un brillant cavalier, survient un йpisode typique de la tourmente de cette fin de guerre. le XX e C.A. (toujours commandй par Wallon Walker) a dйcouvert les йcuyers de l'Ecole Espagnole de Vienne, et leurs fameux Lippizans, que le commandement allemand avait mis а l'abri dans la forкt de Baviиre.

Les grands йvйnements de la guerre se dйroulent en dehors de Patton. suicide de Hitler, prise de Berlin, pourparlers de Donitz pour la capitulation, enfin Victory-Day en Europe, le 8 mai 1945. А ce moment, Patton a ses quatre йtoiles, il a sous ses ordres quatre corps d'armйe qui coiffent, entre autres, six divisions blindйes, dont la toujours fameuse 4 e. Le V e C.A. est parvenu а quatre-vingt kilomиtres de Prague (oщ les Tchиques vont massacrer la garnison et la population allemandes), le XII e C.A. est а Pizek, а soixante kilomиtres en territoire tchиque, le XX e a dйpassй Linz en Autriche et le III e est au fond de la Baviиre, sur la frontiиre avec l'Autriche. Le contact a йtй йtabli par Walker avec les armйes soviйtiques remontant le Danube, rencontre entre la III e Armйe amйricaine et le 3 e Front d'Ukraine (gйnйral Zvataпev). Patton n'a pas nйgligй de rйflйchir а l'avenir. Bien entendu, tout Blood and Guti qu'il est, il a la nostalgie des combats, exaltation des vertus et des dйfauts humains ; il est volontaire pour se battre en Chine (il a bien connu Stilwell). Mais il s'interroge aussi sur le nouvel йquilibre entre les vainqueurs. Recevant le Sous-secrйtaire d'Etat а la Guerre, il lui dit son inquiйtude devant le colosse militaire soviйtique. Il recommande que " nous offrions aux Russes une image de force et de puissance. sinon. je voudrais vous dire que nous avons perdu la guerre ".

La guerre en Europe est donc finie. Patton a le sentiment que sa carriиre et sa vie sont йgalement terminйes. Il avait eu des ambitions politiques. ses mйsaventures avec la presse l'ont convaincu que ce n'йtait pas lа son ultime destin. Pour l'instant, il regroupe la III e Armйe en Baviиre, dont Eisenhower le nomme gouverneur militaire. Il installe son P.C. а Bad Tцlz, s'appliquant а mener de front la dйmobilisation de son armйe, la mise en place d'une administration civile et la poursuite des dignitaires et responsables nationaux-socialistes de tout niveau. C'est aussi la pйriode des festivitйs et des cйlйbrations entre vainqueurs de l'Allemagne. Ses rencontres, trиs arrosйes, avec les gйnйraux russes le confirment dans son sentiment d'inquiйtude devant la masse de leurs armйes et le caractиre primitif de leur comportement. Il pressent leur ambition secrиte de pousser plus avant sur le plan politique les rйsultats territoriaux dйjа obtenus en Europe centrale. Il estime donc qu'il ne faut pas laisser l'Allemagne se dйsintйgrer. Ce pays est nйcessaire а l'йquilibre de l'Europe. Aussi son comportement vis-а-vis des Allemands est beaucoup moins sйvиre que certains le souhaiteraient, d'autant que Patton, de par ses origines aristocratiques et bostoniennes, a un cordial mйpris pour toutes les populations hйtйroclites qui peuplent les camps pour " personnes dйplacйes ". La presse, toujours а l'affыt de ses faux-pas, guette ses dйclarations ou ses actes pour exploiter la saveur du scandale. Dиs la mi-mai 1945, la tension monte а propos de Trieste dont les Yougoslaves veulent se sasir. C'est а Patton qu'Eisenhower demande d'кtre prкt а intervenir contre le leader yougoslave. L'affaire ne se dйveloppe pas jusqu'а l'affrontement mais Patton se demande jusqu'а quel point les Russes n'ont pas utilisй Tito pour йprouver la dйtermination des Occidentaux. Lа, intervient une pause dans ces moments de tension ; il retourne aux Йtats-Unis pour la premiиre fois depuis octobre 1942, lorsqu'il йtait parti sur le croiseur Augusta pour dйbarquer en Afrique du Nord. Il reзoit un accueil triomphal а Boston, oщ l'attend sa famille puis а Denver et а Los Angeles, avant de revenir Washington. Ce triomphe (il rassemble а chaque fois des foules de plusieurs milliers de fidиles enthousiastes) est, une fois encore, entachй d'une phrase maladroite sur " ceux qui se font tuer bкtement а la guerre ". Comme pour l'affaire des gifles, la presse et la radio exploitent cette dйclaration imprudente, des lettres de parents courroucйs arrivent а nouveau au Congrиs et son fidиle ami, le Secrйtaire Stimson, doit s'engager pour le dйfendre au cours d'une confйrence de presse. Le 4 juillet, Patton et son йquipe regagnent l'Europe ; il n'en est pas fвchй, malgrй la joie d'avoir retrouvй les siens. La Troisiиme Armйe lui offre le lendemain une prise d'armes monumentale pour salue son retour а Bad Tцlz.

Patton se rend а Postdam а la fin de juillet pour rencontrer les dirigeants amйricains qui participent а la confйrence tripartite avec les Anglais et les Russes. Berlin, qu'il avait visitй en 1912, le remplit de tristesse car il craint que l'on " ne remplace une bonne race par. ces sauvages mongols ". Aprиs quelques dйplacements de prestige, dans le courant du mois d'aoыt, Patton va se trouver en face des journalistes lors d'une confйrence de presse le 22 septembre, а l'issue de laquelle on l'accuse d'кtre en dйsaccord avec la politique de dйnazification d'Eisenhower en Baviиre et sur le traitement infligй aux prisonniers de guerre allemands, et, en filigrane, de favoriser les Allemands au dйtriment des rйfugiйs. Venant aprиs l'affaire des gifles, aprиs celle, toute fraоche, des " hйros tuйs bкtement ". l'histoire de la dйnazification achиve d'user la patience d'Eisenhower, qui n'est plus gкnй par Stimson, celui-ci ayant dйmissionnй fin juillet. Patton n'a plus de dйfenseur а Washington. Dиs lors, aprиs quelques heures d'entretien, Eisenhower relиve Patton de son commandement et le remplace par Truscott (qui a fait une belle guerre en Italie et en France). George S. Patton est nommй а la tкte de la XV e Armйe, йtat-major sans troupes chargй d'йtudier les enseignements de la Deuxiиme Guerre Mondiale (7 octobre).

On pourrait penser que Patton, fйru d'Histoire militaire, est bien а sa place dans cette organisation, mais il est conscient de sa disgrвce, songeant dйjа а dйmissionner а la fin de l'annйe pour " pouvoir dire ce qu'il veut ". A la fin octobre, il se rend а Paris pour recevoir, le 25, des mains de de Gaulle le cordon de Grand Officier de la Lйgion d'Honneur. Il rend visite au tombeau de Napolйon, tout comme l'avait fait Pershing, vingt-huit ans auparavant. Puis il se rend en Bretagne et en Normandie pour y кtre fait Citoyen d'Honneur de toutes les villes que la III e Armйe а libйrйes. А la fin de novembre, c'est Metz qui cйlйbre le premier anniversaire de sa libйration ; il est а nouveau fait Citoyen d'Honneur de nombreuses villes, de Chвteau-Thierry а Luxembourg. Il regagne enfin Bad Nauheim, au Nord de Francfort, oщ est cantonnйe la Quinziиme Armйe. Il y prйpare ses archives et ses bagages car il compte partir pour les Etats-unis а bord du cuirassй New-York qui doit quitter Southampton le 14 dйcembre. C'est ce qu'il annonce а Bйatrice dans sa lettre datйe du 5 dйcembre 1945. Ce sera sa derniиre lettre а sa femme.

Le dimanche 9 dйcembre au matin, comme il se rend а la chasse avec son fidиle ami le gйnйral Gay, sa Cadillac est heurtйe par un camion G.M.C. qui se met en travers de sa route. Les vйhicules ne roulaient pas particuliиrement vite ; nйanmoins Patton est projetй en avant, sa tкte heurte la barre mйtallique situйe au-dessus du siиge du conducteur. Sous le choc, plusieurs vertиbres cervicales sont brisйes ; il est le seul blessй de l'accident. Il est midi moins le quart. Il est admis aux urgences de l'hфpital d'Heidelberg une heure aprиs. Des rumeurs courront plus tard sur les circonstances de cet accident. Rien n'a pu кtre confirmй dans un sens ou dans un autre.

Sa femme, alertйe, arrive des Etats-Unis le 11 aprиs-midi. Elle va le veiller durant deux semaines d'espoir et de pessimisme alternйs ; les mйdecins tentent de maintenir en vie le fameux Blood and Guts qui, s'il devait vivre, resterait hйlas probablement totalement paralysй. Conscient de son йtat, Patton demeure courageux et optimiste, du moins en apparence. Il lutte йgalement pour retrouver un peu de sa sensibilitй et de ses mouvements. Finalement, c'est la lente paralysie des muscles abdominaux qui provoque un oedиme pulmonaire fatal. Il meurt dans un sommeil paisible а 17h 45 le vendredi 21 dйcembre 1945. Il est enterrй au cimetiиre de Hamm, а la sortie de la ville de Luxembourg, parmi les 5076 tombes des soldats de la III e Armйe amйricaine. Sa croix porte son matricule 02605 et son grade.

La destinйe du gйnйral George S. Patton s'achиve donc dans le silence d'une chambre d'hфpital, alors que le hйros de trente ans de guerres amйricaines ne rкvait que plaies et bosses, gloire et honneurs, bruits et fanfares. Il avait йtй un grand sportif, un grand aristocrate, un grand meneur d'hommes. Plus qu'un autre, le mйtier des armes йtait celui pour lequel il йtait nй et pour lequel il avait vйcu. Pйtri d'Histoire militaire, maоtrisant la tactique et la stratйgie des grands hommes de guerre, Alexandre, Cйsar, Napolйon ou Lee, il avait essayй de se hisser а leur niveau ; dans une grande mesure, il y est arrivй. Indйniablement, il lui a aussi manquй le sens de la politique, mais non le sens politique, car ses analyses йtaient le plus souvent trop justes et il avait le tort de les йnoncer publiquement. En outre, et c'est particuliиrement important aux Etats-Unis, il avait un souverain mйpris pour les milieux de presse qui ne le lui pardonnиrent

jamais. Pour la France, et les Franзais, Patton, plus que tout autre gйnйral alliй, est celui qui a libйrй la plus grande partie du territoire national, avec sa seule Troisiиme Armйe. Parlant la langue franзaise, ayant visitй Paris et la province bien avant l'entrйe des Йtats-Unis dans la guerre, Patton a toujours eu un faible pour les qualitйs et les dйfauts des Franзais. Avec sa disparition, la France perdait un alliй parmi les personnalitйs militaires des Йtats-Unis ; dans les annйes qui ont suivi 1945, cette absence a eu des effets certains. En conclusion, on ne peut que citer cette phrase de son aide de camp le colonel Codman. " ce qui semble avoir йchappй а la plupart des journalistes contemporains, c'est que Patton n'йtait pas une figure contemporaine ". Hйritier des pionniers de la Frontiиre, il йtait aussi un chevalier comme les dйcrit Walter Scott ou un bвtisseur d'empires а la Kipling. C'est parce qu'il s'est rйalisй lui-mкme en tant que hйros militaire et qu'il a rйalisй de grands moments de son gйnie militaire que Patton a crйй sa lйgende et que celle-ci vit encore aujourd'hui.